Le temps d'apprendre à vivre by Jacques Verdier

Le temps d'apprendre à vivre by Jacques Verdier

Auteur:Jacques Verdier [Verdier, Jacques]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature française
Publié: 2011-01-14T23:00:00+00:00


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Le soir venu, comme un silence absolu tombait sur la montagne, Alexandre crut retrouver ses peurs de l’enfance. La cuisine où le Vieux passait le plus clair de son temps était froide, chichement éclairée. Alexandre n’avait pas eu le bon goût de faire un feu dans la cheminée qui aurait redonné un peu de gaieté à la pièce. Et tout se conjuguait autour de lui pour nourrir son désespoir, faire revivre ses peurs. Du dehors et d’une nuit froide, sans lune, le temps semblait comme suspendu, ouaté. Peut-être allait-il neiger. L’absence totale de vision accréditait la thèse imaginaire d’un danger. De l’étage de la maison, des bruits singuliers descendaient que plusieurs coups de balai contre le plafond ne parvenaient pas à disperser. Des loirs ? Des souris ? Un froid humide avait pris possession de la demeure et ajoutait à l’absence de lumière une impression de pauvreté fatale. Les casseroles étaient mal lavées, comme la vaisselle d’ailleurs que le Vieux s’ingéniait toujours à faire à la main. Mme Charpentier, percluse de rhumatismes, se contentant ces dernières années d’aspirer et de laver les sols, les fenêtres, le linge que le Vieux daignait bien lui léguer. Elle parlait toujours d’arrêter, d’où le souhait d’Alexandre de lui trouver une remplaçante. Parce que ce désordre apparent qui ne ressemblait pas à son grand-père – l’on trouvait du linge à l’abandon ; des objets de jardinage disséminés ; des trous, sous l’évier, dans les planches de bois, où les souris devaient faire leur sabbat – laissait voir une existence en fin de course.

Il revint dans la chambre du Vieux, où un grand froid sévissait par la fenêtre volontairement laissée ouverte. « Je vais devoir dormir à côté d’un mort », songea-t-il et cette pensée l’effraya. Il ne se souvenait pas de la présence de ses parents, ici même, au soir de leur vie. Il observa son grand-père dont le teint virait au jaune et semblait traversé de spasmes infimes. Devait-il comprendre que la pourriture en lui creusait son sillon ? Il pensa à « la charogne » de Baudelaire mais cette pensée lui fut insupportable. Il repensa à ce que lui avait dit Simon quelques heures plus tôt. S’il disait vrai ? Soudain, il fut alerté par un petit bruit métallique, un SMS venait de lui parvenir. C’était Gabriella. « Je viens d’apprendre la mort de ton grand-père. J’imagine ta tristesse. Je veux que tu saches que je pense à toi. Gabriella. » Ce seul texto changeait, bien sûr, la couleur des choses. Alexandre sortit de nouveau sur le pas de la porte, guettant le moindre bruit mais délivré soudain de toute pointe d’angoisse, inspirant à grandes bouffées l’air pur et froid qu’il collectait. Peut-être Gabriella viendrait-elle, demain, à l’enterrement ? Il voulait croire à la véracité des propos de Simon. Éric et Doudou ne s’étaient pas manifestés depuis ce matin mais il était sûr qu’eux seraient là. Amèneront-ils Gabriella avec eux ? Il essayait vainement de percer la nuit d’encre pour y retrouver délicats,



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