Le Jumeau solaire by Malamoud Charles

Le Jumeau solaire by Malamoud Charles

Auteur:Malamoud, Charles [Malamoud, Charles]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, France, Spiritualité indienne
Éditeur: Seuil
Publié: 2013-12-28T23:00:00+00:00


La personne du mort

Ce rite de l’asthiyajña est riche d’enseignements quant à la notion de personne dans l’Inde védique. Le sacrifiant se définit par son vœu et son engagement. Sa personne, en tant que sacrifiant, n’est affectée que partiellement et, peut-on dire, empiriquement par la mort. Pour l’essentiel, le devoir (le dharma, le devoir constitutif d’un statut) a toute la force d’une obligation à persévérer dans l’existence. Il crée les conditions d’une sorte de survie, de partage avec la mort : la mort est passée, mais on conserve assez de vie pour faire ce qu’on a à faire dans ce monde d’actes stylisés qu’est le monde sacrificiel. Tout comme son être physique, réduit à son squelette, est cousu dans la peau d’antilope, symbole du sacrifice, de même la personne de ce mort, enfermée mais aussi sublimée dans sa définition sacrificielle, est effectivement présente sur le terrain du sacrifice, non sous forme d’effigie, ni dans un monument funéraire, ni comme fantôme ou comme souvenir, mais comme support de promesses, tâches à accomplir, biens à espérer. Mais cela n’est pas vrai pour tous les sacrifices. Le devoir, le dharma, n’a cette efficacité créatrice de vie, ou, si l’on préfère, ne peut produire cette fiction que lorsque la promesse de sacrifier se double de l’engagement à sacrifier avec et pour les autres membres d’une communauté sacrifiante. Dans le sattra, chacun des sacrifiants demeure avec ses compagnons jusqu’à ce que le projet commun soit réalisé, aussi longtemps que le groupe a besoin de la présence de chacun pour que le nombre qui caractérise cette totalité soit maintenu. Cette survie sacrificielle, le temps d’un sacrifice, le suspens savamment ménagé entre le moment de la mort et celui où on aura à quitter complètement le monde des vivants sont à la fois exigés et rendus possibles par la communauté.

Insistons-y : nous traitons ici d’une forme de sacrifice, le sattra, qui est archaïque, ou mythique, en tout cas exceptionnelle. Cette forme contraste avec la forme normale du sacrifice solennel, sacrifice où le sacrifiant, unique, est avant tout un individu dont la préoccupation essentielle est de construire son ātman, son être propre, dans un jeu complexe d’identification et de différence avec la victime ou l’offrande du sacrifice. Et jamais, dans le sacrifice ordinaire, le sacrifiant n’agit au nom d’un groupe familial, ethnique, local ou « politique ». On l’a remarqué depuis longtemps : il n’existe pas dans l’Inde védique de rite solennel qui puisse être interprété comme un sacrifice « civique »139. Cependant, même dans le sacrifice normal, l’individu sacrifiant n’est pas totalement isolé ; en quelques rares circonstances on voit surgir dans le sacrifice le groupe de ceux que le sacrifiant pourrait désigner comme « les siens »140. Et surtout, comme nous l’avons vu, se met en place, pour le temps du sacrifice, la communauté contractuelle, mais aussi affective, du sacrifiant, de son épouse et de l’équipe des officiants141. Mais il est bien vrai que cette question de la relation du sacrifiant avec autrui prend toute son



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