Heures d'été by Marguerite Burnat-Provins

Heures d'été by Marguerite Burnat-Provins

Auteur:Marguerite Burnat-Provins [Burnat-Provins, Marguerite]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Art, Femmes, Littérature suisse romande et des régions voisines, Nouvelles, Poésie, 20e
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2023-12-02T00:00:00+00:00


Trois heures

Dans l’après-midi, jamais je n’entends la cloche ou le timbre frapper trois coups sans me dire : l’heure où le Crucifié pencha la tête, l’heure de la mort passagère nouée à l’éternelle vie, l’heure de la rédemption.

Elle est grave, à la fois lourde et légère à mon âme, angoissante et vénérée.

Ici les trois coups sont frappés dans ma poitrine.

Je vais à l’atelier où se dresse le grand crucifix de bronze que je vis couché sur le lit mortuaire de mon grand-père. Parce que chacun de nos faibles jours renouvelle le naufrage, je répète :

« Jésus ! aujourd’hui encore, sauvez-moi. Sauvez-moi surtout de moi-même. »

Épuisé, immobile, si riche et si vivant, Il écoute.

Je sais que je puis le rejoindre à l’heure où son Père le permettra.

« N’est-ce pas, Seigneur, il faut faire des roses avec les épines ! »

Il répond : Oui.

L’espérance se remet à couler en onde vive, dans mon sang où il y a le sien. Grâce à cela, au milieu de l’après-midi, combien de fois suis-je restée morte de sa mort, et soudain ressuscitée.

Pour emporter son dernier soupir, un grand vent se leva sur le Golgotha.

Que se passe-t-il ?

Transformé comme par un drame du ciel, le soleil accable d’un éclat mauvais la campagne maltraitée.

À travers le calme, le jeu foudroyant du télégramme qui nous bouleverse, nous jette sur la route, vers un hôpital, une gare, un paquebot, un chevet d’agonie : le vent dans la vie.

Brusque et combattant, c’est le mistral. Les oliviers rebroussés ont la couleur vénéneuse des jours flagellés, les pins, si hauts, grincent en un va-et-vient menaçant, une folie excite le jardin où tout se couche et se tord, dans un vol de feuilles déliées, d’aiguilles mortes.

Déchaîné comme la rage, un fauve charge, renâcle, rugit contre les murs ; une pause, et le roucoulement de cent mille pigeons fous, bruit du vent qui n’a pas de poids, tandis que celui de la mer est massif, chargé de sel.

Le soleil grogne dans sa barbe de feu, la lumière affolée s’enfuit, chassée par un nuage roulant à toute allure, revient, éclate et se ternit. La cheminée prend sa voix d’hiver, les portes gémissent, une planche mal posée tape dans le hangar, deux ramiers dérivent, drossés jusqu’au bas du vallon et une chouette ahurie se met à piauler.

Je fais, à la seconde, un délirant voyage… C’est tout moi le mistral, un jour mon âme le suivra.

Antonio est devant le portail, ses petits yeux presque fermés par la violence de l’air. Je crie :

— Entrez vite, il va vous enlever !

— Ne voudrait pas de moi, le mistral.

Il rit et s’en va bêcher, parce qu’il faut toujours bêcher ce sol où la pierre est la maîtresse inerte qui, souvent, devient la sœur de mon cœur un instant pétrifié.

Antonio, en les attaquant, dit que certaines sont dures comme l’Antéchrist.

Compactes ou brisées, elles contribuent au charme austère et brillant de ce pays sec où le parfum peut voler si loin.

Le bruit d’eau froissée que fait le combat contre les cailloux,



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