Guerre sainte, Jihad, Croisade. Violence et religion dans le christianisme et l'islam (French Edition) by Jean Flori

Guerre sainte, Jihad, Croisade. Violence et religion dans le christianisme et l'islam (French Edition) by Jean Flori

Auteur:Jean Flori [Flori, Jean]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions du Seuil
Publié: 2019-07-24T22:00:00+00:00


CHAPITRE 10

La guerre sacralisée par le ciel

Saints guerriers et guerriers saints

* * *

La conception que l’on se fait de la sainteté, et par voie de conséquence la nature des saints reconnus par l’Église, n’est pas sans rapport avec le sujet ici traité. Le Moyen ge, en effet, est marqué par l’ampleur du culte des saints. Or ceux-ci, en plus de mille ans, ont changé d’origine. Cette évolution traduit le processus de sacralisation de la guerre accompli dans l’Église à l’époque féodale, particulièrement aux approches de l’an mil.

Pendant près d’un millénaire, le modèle du saint vénéré dans l’Église n’avait guère varié : c’est toujours une victime de la violence aveugle et brutale des païens, violence volontairement acceptée pour la cause de la foi, sans résistance aucune, à l’imitation du Christ. Dans les premiers temps, ce sont d’abord des martyrs de la foi, des confesseurs refusant de renier, de sacrifier aux idoles, de porter les armes ou de s’en servir. Sous l’Empire chrétien, puis sous les rois germaniques, une évolution de nature « sociale » se produit. Elle est importante, mais n’affecte pas le modèle en ce qui concerne l’attitude envers la guerre et les armes : les nouveaux saints, en effet, sont maintenant des évêques, la plupart membres de la haute aristocratie, des nobles ayant « renoncé au monde et aux armes » pour servir le Christ, ou des moines menant une vie chaste, sobre, épurée, renonçant à l’usage, aux plaisirs et aux périls moraux du sexe et de l’épée. Les saints ne sont plus victimes de l’épée, mais ils continuent à s’en défier, à s’en abstenir. Les laïcs en usent, mais ils n’ont généralement pas accès, eux, à la sainteté.

Une inflexion, toutefois, se fait jour au Xe siècle, en direction des laïcs, puis plus tard des guerriers. On insiste souvent sur le rôle joué, dans cette inflexion, par la glorification que ferait l’abbé Eudes de Cluny de la vie du comte Géraud d’Aurillac dans un écrit rédigé vers 1030. Sans nier cette influence bien réelle, il convient toutefois de modérer sa portée.

Si en effet, dans l’œuvre hagiographique d’Eudes de Cluny, le comte Géraud est ainsi montré en exemple aux moines clunisiens, c’est avant tout parce que ce laïc aspire au monastère, et cherche à tout prix à vivre en moine dans le siècle, accomplissant ainsi, dans les situations les plus inconfortables, un parcours de sainteté que les moines de Cluny, retirés du monde et préservés de ses périls, ne parviennent qu’à grand-peine à réaliser. En d’autre termes, contrairement à ce que l’on a parfois écrit, Eudes ne fait pas l’apologie de la vie d’un laïc et même d’un notable, d’un seigneur portant les armes, mais bien celle d’un homme qui, placé dans la plus périlleuse des situations, dans le monde et ses tracas, adhère à l’idéal monastique, aspire au calme du cloître et parvient à vivre dans le siècle une vie sainte, illustrant les vertus monastiques.

Géraud, prince laïque, est un saint parce qu’il vit dans le monde comme on devrait



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