Et si la vie n'était qu'un début by Jean Testanière

Auteur:Jean Testanière [Testanière, Jean]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: XO
Publié: 2022-01-19T23:00:00+00:00

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Certains jours, je ressens seulement leur présence, à d’autres moments, je les entends parler ou les vois poser la main sur l’épaule de leur frère, enlacer leur épouse, dessiner un croquis ou tracer l’initiale d’un prénom.

Ces femmes et ces hommes disparus, de tout âge, qui communiquent avec moi, verbalement ou par la pensée, m’ont permis de me faire une idée plus claire du monde d’en haut.

C’est presque toujours le même cérémonial : ils restent juste un instant, se hâtent de transmettre leur message comme s’ils étaient limités par le temps.

Après moult observations, je suis en mesure d’affirmer que les personnes ayant récemment perdu la vie doivent attendre, d’une part, d’avoir suffisamment de force pour se manifester et, d’autre part, qu’on leur en donne l’autorisation. Si elles passent outre à ces recommandations, elles courent alors le risque de devoir écourter les échanges.

Ce fut le cas pour ma mère, qui avait dû « s’appuyer » sur des morts de plus longue date pour venir me parler. Ces « aînés », qui m’étaient apparus sous une forme évanescente vaguement oblongue s’apparentant à des gouttes d’eau ou des petits parachutes translucides, prêtent main-forte aux « nouveaux arrivants », à la manière d’un tuteur ou d’un parrain, en leur transférant un peu de leur force.

Cet ailleurs, inaccessible et pourtant si proche, est donc soumis à des règles, une organisation. Les hommes, les femmes et les enfants qui y séjournent ont des missions à accomplir, des tests à passer pour mesurer leur niveau de complaisance et mettre à l’épreuve leur vertu, ils ont aussi la possibilité d’évoluer, de se bonifier et d’acquérir de la force avec le temps.

Concernant leur apparence, l’image qu’ils me renvoient est en couleurs, plus ou moins nette et bien souvent tronquée à partir de la taille. Ils viennent à moi toujours souriants et plus jeunes qu’au moment du décès, comme s’ils avaient choisi un portrait avantageux dans l’album photo de leur vie.

Leurs indications se rapportent souvent à l’enfance. Ils citent des noms, mentionnent des dates, reviennent sur des périodes spécifiques de leur histoire.

Lorsque je suis avec un ami ou un membre de leur famille, les personnes décédées me fournissent une profusion de détails de manière à convaincre leurs proches et de ma bonne foi et de leur présence.

Cela peut porter sur un souvenir, leur ancien métier, la couleur d’une veste, un bijou ou le nom d’un animal de compagnie.

Il arrive aussi que ces spectres interfèrent au milieu d’une discussion pour s’entretenir avec celle ou celui qui est à mes côtés. Ces intrusions sont extrêmement rares et, a fortiori, très impressionnantes.

C’est ce qui se passa avec Patrick, le fils de Mme Forbin. Quand celui-ci apprit que l’ex-mari de sa chère maman l’importunait, il attendit que je sois avec sa mère pour me faire dire qu’elle ne devait pas s’inquiéter, car il allait lui envoyer un nouveau compagnon s’appelant Angelo. Six mois plus tard, un charmant papi portant ce prénom entra effectivement dans la vie de Mme Forbin…

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