Atlas des terres sauvages by Aude de Tocqueville

Atlas des terres sauvages by Aude de Tocqueville

Auteur:Aude de Tocqueville [Tocqueville, Aude de]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai
ISBN: 9782081434325
Éditeur: Arthaud
Publié: 2019-11-04T23:00:00+00:00


OÏMIAKON

Isolement glacé

RUSSIE • 63° 27’ N - 142° 47’ E

En hiver, la neige recouvre tout, estompant les contours du paysage sous une chiche lumière qui ne brille plus que trois heures en décembre, moment de l’année où les jours sont les plus courts. Une vallée enchâssée entre deux chaînes de montagnes, à 760 mètres d’altitude, des sapins poudrés de givre, une rivière, l’Indiguirka, qui ne gèle jamais du fait de la remontée permanente des eaux souterraines, des maisons de bois alignées le long de larges voies évoquant davantage des pistes que des rues : vous êtes près du cercle polaire, à Oïmiakon, une ville de Sibérie orientale située en Iakoutie, république autonome de la Fédération de Russie, grande comme cinq fois la France et peuplée d’un million d’habitants seulement. Discutable privilège : dans cette région au climat continental, connue pour ses températures particulièrement rigoureuses, Oïmiakon est réputée, avec une pointe de sensationnalisme, comme « le village le plus froid au monde ». Au mois de février 1933, on y releva en effet une température de – 67 °C, soit l’une des plus basses enregistrées dans l’hémisphère nord. Ce record a de nouveau été atteint en janvier 2018, à la suite d’une vague de froid qualifiée il est vrai par les médias locaux d’« exceptionnelle ».

Avec des moyennes annuelles hivernales se situant couramment autour de – 50 °C, ces conditions extrêmes n’empêchent pourtant pas ce village que 700 kilomètres séparent de Iakoutsk, la capitale de la république de Sakha, d’être habité en permanence. En 2012, année du dernier recensement, on y comptait cinq cent douze personnes, des Iakoutes, descendants pour la plupart des nomades que le régime de Staline, qui entendait sédentariser les populations sibériennes autochtones, installa dans les années 1930 dans un site où les éleveurs de rennes avaient coutume de faire halte en été. Il faut assurément être né ici, où l’air est si froid, assure-t-on, que de l’eau bouillante jetée en l’air se transforme immédiatement en nuage de glace, pour pouvoir affronter ces conditions de vie d’une dureté inouïe. Bien entendu, on renonce aux lunettes, car le gel risquerait de les incruster dans le visage, et on ne s’aventure jamais dehors, même pas une minute, sans porter des gants et plusieurs couches de vêtements. La plupart des voitures étrangères ne peuvent fonctionner par ces températures et les modèles les plus résistants – issus de l’ancienne aire de production soviétique comme l’Oural, ou les modèles tout-terrain UAZ – ne démarrent qu’à la condition qu’on réchauffe leur moteur à la lampe à souder. Et il faut s’armer de courage pour utiliser les sanitaires : le sol étant gelé en permanence jusqu’à 1 640 mètres de profondeur, les maisons ne disposent pas de canalisations. Alimentées par réservoir, les toilettes et les douches sont situées à l’extérieur, dans des cahutes qu’on rejoint même dans la nuit noire. Fidèles compagnons des habitants de l’extrême, des chevaux trapus de type poney s’ébattent paisiblement dans la toundra, bien protégés par leur poil épais, plus long et dense en hiver, et par leur crinière qui leur couvre même les épaules.



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