Vies des dames galantes by Pierre de Bourdeille Brantôme

Vies des dames galantes by Pierre de Bourdeille Brantôme

Auteur:Pierre de Bourdeille Brantôme [Brantôme, Pierre de Bourdeille]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2012-03-21T00:00:00+00:00


—Je sçay une belle et honneste dame, laquelle ayant une servante en qui elle avoit mis son amitié, luy faisoit beaucoup de bien, mesme usoit envers elle de grandes privautez et l'avoit très-bien dressée à telles menées; si bien que quelquefois, quand elle voyoit le mary de cette dame longuement absent de sa maison, empesché à la Cour et en autre voyage, bien souvent elle regardoit sa maistresse en l'habillant, qui estoit des plus belles et des plus aimables, et puis disoit: «Hé! n'est-il pas bien malheureux, ce mary, d'avoir une si belle femme et la laisser ainsi seule si long-temps sans la venir voir? ne mérite-t-il pas que vous le fassiez cocu tout à plat? Vous le devez; car si j'estois aussi belle que vous, j'en ferois autant à mon mary s'il demeuroit autant absent.» Je vous laisse à penser si la dame et maistresse de cette servante trouvoit goust à cette noix, mesme si elle n'avoit pas trouvé chaussure à son pied, et ce qu'elle pouvoit faire par après par le moyen d'un si bon instrument. Or, il y a des dames qui s'aydent de leurs servantes pour couvrir leurs amours, sans que leurs maris s'en apperçoivent, et leur mettent en main leurs amants, pour les entretenir et les tenir pour serviteurs, afin que, sous cette couverture, les marys, entrant dans la chambre de leurs femmes, croyent que ce sont les serviteurs de telles ou de telles damoiselles: et, sous ce prétexte, la dame a un beau moyen de jouer son jeu, et le mary n'en connoist rien.

—J'ay connu un fort grand prince qui se mit à faire l'amour à une dame d'autour d'une grande princesse, seulement pour savoir les secrets des amours de sa maistresse, pour y mieux parvenir en après. J'ay veu joüer en ma vie quantité de ces traits, mais non pas de la façon que faisoit une honneste dame de par le monde, que j'ay connue, laquelle fut si heureuse d'estre servie de trois braves et galants gentilshommes, l'un après l'autre, lesquels, la laissant venoient à aimer et servir une très-grande princesse qui estoit sa dame, si bien qu'elle rencontra là-dessus gentiment qu'elle estoit reyne des Romains[73]. Ce qui lui estoit un honneur bien plus grand qu'à une que je sçay, laquelle, estant à la suite d'une grande dame mariée, ainsi que cette grande dame fut surprise dans sa chambre par son mary, lors qu'elle ne venoit que de recevoir un petit poulet de papier de son amy, vint à estre si bien secondée par cette dame qui estoit avec elle, qu'aussi-tost elle prit finement le poulet, et l'avala tout entier, sans en faire à deux fois ny que le mary s'en apperceust, qui l'en eust sans doute très-mal traitée s'il eust veu le dedans: ce qui fut une très-grande obligation de service, que la grande dame a tousjours reconnu. Je sçay bien bien des dames pourtant qui se sont trouvées mal pour s'estre trop fiées à leurs servantes, et d'autres aussi qui ont couru le mesme hazard pour ne s'y estre pas fiées.



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