Svastika by Tanizaki Junichirô

Auteur:Tanizaki, Junichirô [Tanizaki, Junichirô]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Folio
Publié: 2011-10-18T04:00:00+00:00

18

— Enfin pourquoi Mitsuko s’entête-t-elle à cacher sa grossesse ? Surtout avec vous, elle n’a pas à mentir. Vraiment, vous ne le saviez pas, grande sœur ?

Il paraissait douter de ma sincérité et répétait la même question. Mais vraiment, je ne le savais pas. Il affirmait que Mitsuko en était déjà au troisième mois et qu’elle s’était même rendue chez un médecin. Et, par conséquent, quand elle avait mis en scène cette hémorragie, elle était déjà enceinte. En tout cas, une personne inexpérimentée ne peut pas s’apercevoir d’une grossesse de trois mois seulement. Et puis, Mitsuko m’avait affirmé sans l’ombre d’un doute :

— Il est impossible que je reste enceinte.

Je croyais que tout ce qui était arrivé ce jour-là n’était qu’une comédie, mais si Watanuki disait vrai, Mitsuko m’avait menti pour me ménager.

— Pourquoi a-t-elle dit qu’elle ne pouvait pas être enceinte ? insistait Watanuki. Est-ce qu’elle a appliqué les méthodes de ce livre ? Ou s’agit-il d’une malformation physique ?

Moi, devant Mitsuko, j’avais toujours essayé par tous les moyens d’éviter de parler de lui, je ne lui avais rien demandé en particulier… elle n’avait pu s’empêcher de rire en disant :

— Alors, quand je viendrai chez toi, je mettrai un coussin sous ma robe pour faire semblant d’être enceinte, n’est-ce pas, grande sœur ?

Je n’aurais jamais imaginé qu’elle fût réellement enceinte. Et je le lui ai dit. Il m’a répondu que Mitsuko ne pensait pas sérieusement au mariage et que, comme la révélation de sa grossesse l’aurait contrainte à se marier, elle essayait de la tenir secrète le plus longtemps possible.

— En tout cas, c’est mon avis, a-t-il conclu.

D’après Watanuki, Mitsuko préférait à l’amour d’un homme celui d’une femme, elle m’aimait mieux que lui et elle n’avait donc aucune envie de se marier. Elle pensait que si elle se mariait et si elle avait des enfants, elle me perdrait peut-être et elle renvoyait de jour en jour sa décision, en se demandant s’il fallait se débarrasser de ce bébé, ou mener l’homme au comble de l’écœurement. Ma paranoïa m’empêchait peut-être d’admettre que j’étais tant aimée, mais il insistait :

— Non, c’est comme ça, je vous assure, c’est comme ça. Vous avez de la chance, grande sœur. Hélas, moi, je suis né sous une mauvaise étoile !

Il déclamait, comme s’il avait été sur scène et il paraissait sur le point d’éclater en sanglots. Dès notre première rencontre, je l’avais trouvé efféminé. En parlant, il était veule et manquait de virilité, il insistait de manière agaçante et il avait l’habitude de vous fixer en biais, avec un regard méfiant. Je me doutais bien que Mitsuko ne l’aimait pas tant que ça. Le soir où on leur avait volé leurs vêtements, à Kasayamachi, il ne m’aurait pas appelée s’il n’en avait tenu qu’à lui. Il lui avait expliqué qu’elle n’avait qu’à prendre sur elle, à rentrer chez ses parents avec un kimono qu’elle aurait emprunté à une femme de chambre à l’hôtel et à tout avouer à ses parents :

« Pour telle ou telle raison, il y a un homme avec lequel je me suis engagée solennellement.

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