N.P by Yoshimoto Banana

N.P by Yoshimoto Banana

Auteur:Yoshimoto, Banana [Yoshimoto, Banana]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Rivages
Publié: 1997-06-16T22:00:00+00:00


Ce soir-là, j’ai retrouvé des camarades de lycée que je n’avais pas vus depuis longtemps, et nous avons beaucoup bu.

J’étais dans un état d’ivresse avancé. Pas au point de ne plus pouvoir marcher, mais assez pour voir le monde étinceler autour de moi.

Comme je rentrais à la maison en titubant, je suis tombée sur Otohiko. Cela se produisait souvent, car on était presque voisins. Je l’apercevais de loin, parfois il m’interpellait quand j’étais chez le libraire, plongée dans la lecture d’un magazine. D’habitude on se disait juste bonjour, sans prendre le temps de s’arrêter.

Mais cette nuit-là, je naviguais en plein brouillard, et je ne me suis même pas rendu compte que c’était lui qui s’approchait. En arrivant à ma hauteur, il s’est exclamé : « Ça alors ! » d’une voix tellement forte que je me suis arrêtée net.

« Tiens tiens ! Mais c’est Otohiko !

— Tu as une bonne cuite, on dirait !

— Si on prenait un thé ?

— Mais enfin, Kazami, il est deux heures du matin ! »

Et il a ri.

« Allons chez Mister Donuts, lui ai-je proposé, là-bas, c’est encore ouvert.

— Mais c’est loin ! Écoute, je vais t’acheter quelque chose au distributeur, et puis on va le boire ici, dans la rue.

— Ça fait vraiment plouc !

— Et alors ? Il n’y a qu’en cette saison qu’on peut faire ça.

— C’est vrai. »

On était déjà au milieu de l’été. Encore quelques semaines, et il disparaîtrait doucement. Cela m’a rendue triste.

Au premier distributeur automatique venu, nous avons acheté du thé glacé. Deux boîtes qui ont dégringolé en grondant. Des boîtes d’une taille imposante.

Nous les avons bues, assis à même le sol de l’avenue, devant le rideau de fer d’un magasin. Des voitures passaient sans cesse à une vitesse folle. Chaque fois qu’un camion s’approchait, sa trépidation faisait vibrer nos corps.

J’ai dit : « C’est impressionnant, d’être assis comme ça en pleine rue. On a la sensation d’être en contact direct avec le monde. Comme si la nuit était vivante.

— Ceux qui vivent dans la rue ont sans doute cette optique particulière des choses.

— Tu crois ? Mais si c’est tous les jours pareil, ils doivent finir par trouver ça normal. »

Arrêt brusque, en marge du rythme de la vie quotidienne. Comme je regardais les voitures et les quelques rares passants, le monde m’est apparu soudain avec une étonnante netteté. Les lampadaires s’étiraient vers l’horizon, beaucoup plus hauts que d’habitude, très proches du ciel ; les phares des voitures semblaient plus colorés. Avec le même éclat se détachaient aussi les klaxons, les aboiements des chiens dans le lointain, les divers bruits de la rue, les voix des gens, le martèlement des chaussures.

Et le vent qui sifflait sur le rideau de fer.

Tiédeur de l’air. Sous nos doigts l’asphalte gardait encore la chaleur de la journée. Odeur de l’été à demi en allé.

Je lui ai demandé : « Comment tu vas ?

— Très mal. » Et il m’a serré la main, à la broyer.

« Tu me fais mal !

— Eh bien, ça va aussi mal que ça.



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