Mes Ardennes perdues by Groffier Jean

Mes Ardennes perdues by Groffier Jean

Auteur:Groffier, Jean [Groffier, Jean]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Librinova
Publié: 2023-11-30T23:00:00+00:00


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L’hiver a ses fêtes d’intérieur. On passe la Noël en famille. Sur la table c’est une profusion de crêpes chaudes qu’on beurre de confiture, de sirop, ou saupoudre de sucre, et puis il y a les traditionnelles gaufres qui sortent du moule et dont on emplit les trous et le dessin en creux de confiture pour les rendre plus savoureuses encore. Clémence avec une dextérité expérimentée lance les crêpes en l’air pour les retourner dans la poêle à frire.

Au Nouvel An, hiérarchiquement, les plus jeunes rendent visite aux plus âgés, les plus modestes aux plus fortunés, et puis il y a la visite dans le sens inverse, très respectée dans les familles.

À cela, il fallait bien ajouter un patron pour les enfants. On l’appelle Saint-Nicolas. Il manifeste sa générosité le 6 décembre au matin dans la cheminée du fumoir, ou le cinq au soir les enfants ont déposé leur panier, plein de légumes pour son âne. Car Saint-Nicolas et son âne sont censés descendre par la cheminée, l’un portant les cadeaux que l’autre répartit selon les mérites.

Le 5 décembre au soir, nous chantons en chœur entourant la cheminée :

« Venez venez Saint-Nicolas,

nous serons toujours bien sages… »

Le six au matin, nous sommes éveillés tôt et il nous semble en effet percevoir des bruits et un va-et-vient du côté du fumoir. Il nous faut attendre l’appel de tante Berthe. Des jouets pour chacun, ils sont rares en ce moment, des œufs durs, de petits bâtons de chocolat ; tiens, tiens ! Une pomme au vinaigre au bout d’un bâton pour Didier — c’est un cadeau sévère de l’âne, explique l’oncle, et, oh ! indignation, un martinet pour Colo.

Cette année-ci, le 5 décembre après-midi, alors que nous trions des légumes, oncle Alfred nous annonce une visite. Saint-Nicolas en personne est là dans le fumoir. Il veut nous parler avant de revenir cette nuit avec son âne.

Nous voyons un grand vieillard sous capuchon rouge et robe de même couleur, barbe blanche, coupée de longues moustaches blondes. Il nous fait un discours embrouillé de sagesse et de recommandations. Nous sommes tout émus. L’oncle offre à Saint-Nicolas un grand verre d’alcool.

— Allez en paix mes enfants.

Il s’en va, nous voyons Saint-Nicolas entrer chez le fermier où il va sans doute répéter son monologue aux enfants de ce dernier. Nous attendons longtemps derrière la vitre. Saint-Nicolas ne ressort pas. Nous voyons Victor partir de la grange attenante à la ferme en direction de chez lui.

Le soir au lit nous échangeons nos impressions. C’est curieux que Saint-Nicolas a un accent wallon. Il nous semble avoir entendu cette voix quelque part…

Les hivers 1915 et 1916 sont particulièrement rigoureux. La neige s’est installée pour quatre longs mois. On ne peut parler d’un pays de hautes montagnes. De rares sommets de collines voisinent l’altitude de quatre à 500 mètres. Mais durant l’hiver, le climat change : d’atlantique, il devient continental. La région reçoit en fin de course le vent des plaines de l’Est. Nous apprenons qu’on patine sur la Meuse. Les péniches sont bloquées par la glace.



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