Les Colombes du Roi-Soleil (Tome 13) - Gabrielle, demoiselle d'honneur by Anne-Marie Desplat-Duc

Auteur:Anne-Marie Desplat-Duc [Desplat-Duc, Anne-Marie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Juvenile Fiction, General, Résumé, Historique
ISBN: 9782081435407
Google: GPFJDwAAQBAJ
Éditeur: Flammarion Jeunesse
Publié: 2018-01-30T23:00:00+00:00

CHAPITRE

19

GABRIELLE

Philippe d’Anjou était donc devenu roi d’Espagne !

Notre communauté l’avait célébré par des messes et des prières et je dois dire que chacune d’entre nous s’était sentie fière qu’un prince de France accédât au trône d’Espagne. Nous étions si proches de Sa Majesté que tous les événements agréables ou tristes qui la touchaient nous touchaient aussi. Il était notre père spirituel et nous l’aimions comme lui aimait ses colombes.

Saint-Cyr fut donc joyeux durant plusieurs jours.

Je l’étais un peu moins que les autres, car je savais que la vie de mon frère en serait bouleversée. Qu’allait-il devenir ? S’il perdait sa charge auprès du prince, il était à prévoir qu’il n’en retrouverait pas une équivalente. Il devait être bien inquiet. Enfants, nous étions si unis qu’il était frustrant de ne pas pouvoir à nouveau échanger nos points de vue. Peut-être profiterait-il de cette occasion pour chercher une autre charge où nous pourrions être ensemble ? Il pouvait être écuyer dans une bonne maison et moi, demoiselle de compagnie.

Je ne rêvai point longtemps à ce projet, car je reçus bientôt une lettre de lui.

Lorsque je la lus, je crus défaillir tant j’eus le sentiment d’être abandonnée à mon triste sort. Je comptais tant sur lui pour obtenir, auprès du prince qu’il servait avec zèle, une quelconque charge ! Si personne n’intervenait pour me sauver, j’allais être dans l’obligation de prononcer mes vœux et la perspective de vivre à jamais enfermée m’arrachait des larmes lorsque, la nuit venue, je tentais de m’endormir. J’échafaudais alors les plans les plus fous pour m’évader… Mais pour aller où ? Revenir à Pézenas était impossible, cela mettrait ma mère en difficulté et mon père en furie. Courir rejoindre Gilles risquait de compromettre sa nouvelle situation. Et quelle honte ce serait si la liberté à laquelle j’aspirais me conduisait dans la rue à mendier mon pain et à dormir sous les porches !

J’avais beau tourner et retourner les solutions, aucune ne me paraissait acceptable. Et je n’avais point de nouvelles de Mme des Ursins en qui j’avais, peut-être à tort, mis tant d’espoir.

Au matin, mes yeux rougis, mon teint cireux et ma tristesse attiraient les critiques de mes camarades.

— Vous, m’avait dit une fois Rose-Blanche, vous avez encore pleuré durant la nuit.

— C’est que ma vie me semble si désespérante…

— Oh, pour cela, nous sommes toutes à égalité, avait assuré Diane de Courtemanche.

— Pourquoi ne pas être venue bavarder dans mon lit ?

— Inutile de vous ennuyer, de toute façon, il n’y a aucune solution, alors…

— Peut-être, pourtant la vie religieuse n’est pas si triste que cela. Certaines de nos maîtresses savent chanter, jouer et même rire…

— Oui, avais-je répondu du bout des lèvres.

— Il faut voir le bon côté des choses et, puisque nous ne pouvons pas agir sur notre destin, il faut apprendre à le supporter le mieux possible.

J’avais soupiré :

— J’envie votre sagesse, Rose-Blanche.

Je continuais donc sinon à vivre, du moins à survivre parmi mes camarades. Les jours s’écoulaient, identiques, et j’avais l’impression curieuse que cette monotonie endormait en moi toute velléité.

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