Le bateau du matin by Lorraine Fouchet

Auteur:Lorraine Fouchet [Fouchet, Lorraine]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction
ISBN: 9782221119006
Éditeur: Robert Laffont / Versilio
Publié: 2004-10-27T22:00:00+00:00

35.

Samedi 30 août, Dixième Jour

Kamel Djemad s’était posté devant le foyer de jeunes filles dès 5 heures du matin. Depuis quarante-huit heures il suivait Zaka comme son ombre, pestant parce que ce gosse de riches hirsute avec son ridicule piercing au sourcil s’accrochait à elle telle une sangsue et lui servait de chauffeur chaque fois qu’elle mettait le nez dehors. Zaka aurait dix-huit ans aujourd’hui, il était temps d’agir même s’il y avait des témoins. Il aurait préféré que les choses se passent en douceur mais il n’avait plus le choix, il avait déjà accepté et dépensé les arrhes versées par Karim Hamoud.

Kamel avait faim, il était en hypoglycémie mais ne pouvait pas quitter son poste. La porte s’ouvrit, un garçon sortit subrepticement et s’en fut en rasant les murs. Pourtant, le foyer était rigoureusement interdit aux hommes, Kamel s’était fait refouler en tentant d’y entrer la veille pour voir sa sœur : la directrice l’avait chassé avec un air aussi horrifié que s’il avait forcé sa porte tout nu en proférant des insanités. Kamel secoua la tête. Ces jeunes Occidentales n’avaient aucune morale. Il ne doutait aucunement de sa sœur sur ce plan-là, Zaka était pure et honnête, d’ailleurs son prénom signifiait pureté en arabe. Une fois mariée, elle s’assagirait, il en était persuadé. Ses copines de lycée lui avaient tourné la tête.

Une voiture de police s’engagea dans la rue et Kamel s’éloigna, soucieux de ne pas éveiller la méfiance des flics en se promenant aussi tôt. La voiture ralentit à sa hauteur, le flic assis à droite le considéra d’un œil soupçonneux, Kamel ne cilla pas. S’il le regardait, ce serait considéré comme une provocation. S’il accélérait, ils le coinceraient. Il s’appliqua à marcher au même rythme, comme un pauvre Arabe humble et modeste qui part au boulot.

La voiture de patrouille disparut au coin de la rue. Kamel rebroussa chemin. Il était encore à une dizaine de mètres de l’entrée quand la détestable Autobianchi se profila à l’horizon. Le gosse de riches se gara en double file, jaillit hors de l’auto et rentra tranquillement dans le foyer. Délit de bonne gueule, à lui on ne disait rien. Dix minutes plus tard, il réapparut avec Zaka, ses béquilles roses et un sac en plastique. La directrice tenait la porte pour les aider, elle serra la main de Zaka, assista à son installation dans l’auto puis s’éclipsa.

Zaka déménageait discrètement au petit matin… pour emménager chez le gamin ? Kamel se mordit la lèvre inférieure. Sa sœur lui échappait. Mais sa famille avait besoin de l’argent de Karim.

Il s’avança, se planta devant la voiture. Étonné, le gamin au piercing, assis à la place du conducteur, baissa sa vitre.

— Oui ? fit-il.

— Ne te mêle pas de ça, menaça Kamel.

Zaka se recroquevilla sur son siège, la mine terrifiée. Elle avait reconnu son frère quand la directrice le lui avait décrit et elle avait naïvement cru lui échapper en s’en allant très tôt.

Kamel ouvrit la portière et arracha le gamin de son siège. Le gosse rua, gueula et se débattit, il avait du courage.

Télécharger

Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.