La Rose et la Tour by McIntosh Fiona

Auteur:McIntosh, Fiona [McIntosh, Fiona]
La langue: fra
Format: epub
Tags: roman
Publié: 2015-04-07T22:00:00+00:00

Chapitre 21

JANE NE SE RENDORMIT PAS, MAIS COMPTA LES HEURES jusqu’à ce que les pépiements matinaux des oiseaux se fassent entendre derrière sa fenêtre. Elle s’habilla et descendit la première dans la salle à manger sombre et lambrissée. Un coup d’œil au menu du jour lui mit, une fois n’est pas coutume, l’eau à la bouche.

Sachant qu’un bon repas revigorerait provisoirement Winifred, Jane engloutit plusieurs petits pains recouverts d’une épaisse couche de beurre et des fruits en bocaux ; puis elle donna sa chance au chocolat chaud qui s’avéra mousseux et très savoureux, quoique légèrement grumeleux. La servante de l’auberge apporta le bol de sucre comme s’il contenait de l’or et ne permit pas à Jane de toucher au bloc en forme de cône qu’elle trancha elle-même avant d’en laisser tomber un morceau dans la tasse de la jeune femme.

Jane tua le temps en admirant les scènes de la vie rurale qui étaient accrochées au mur. On y contemplait des ouvriers agricoles labourant les champs ou édifiant des meules de foin. Une étude au crayon représentait des enfants pêchant dans une rivière, tandis que quelques autres représentaient des natures mortes. Dans la plupart de ces tableaux, la perspective était fausse, mais la vie simple qu’ils dépeignaient avait néanmoins quelque chose de rassurant pour Jane. On avait allumé les bougies pour éclairer la pièce encore plongée dans la pénombre d’une aube qui ne pointait qu’à peine dans un ciel peint à l’encre violette. Des gouttes de cire s’écoulaient le long des chandelles soumises aux déplacements d’air créés par les nouveaux arrivants venus prendre leur petit déjeuner.

Mrs Bailey entra dans la pièce à grands bruits en couvrant son chien de baisers et en exigeant une coupe de lait frais pour l’animal. Jane fit la grimace et ingurgita sa dernière gorgée de chocolat.

— Oh, bonjour Miss Granger. Avez-vous bien dormi ?

— Oui, je vous remercie, Mrs Bailey. Et vous-même ?

— Bah, je pourrais dormir n’importe où, ma chère, même si Mr Bailey s’ingénie à me réveiller avec ses ronflements incessants.

Jane ébaucha un demi-sourire. Elle s’apprêtait à prier Mrs Bailey de bien vouloir l’excuser, lorsque celle-ci la prit par le bras.

— Avez-vous vu lord Sackville, ce matin ? s’enquit la voyageuse.

— Euh… non, non, il ne me semble pas, balbutia Jane avec mauvaise conscience, même si elle ne mentait pas. Pourquoi ?

— Oh, pour rien d’important. Simplement, nous avons un fils qui essaie de se lancer dans le commerce, et nous avions pensé que Mr Sackville pourrait le conseiller, en tant qu’homme d’affaires florissant et propriétaire terrien. James – c’est notre fils – vit à Londres désormais, alors peut-être qu’une rencontre serait possible…

— Je vois…, répliqua Jane en esquissant un sourire d’encouragement, même si elle croyait peu aux chances de succès de Mrs Bailey.

— Cependant, il se montre si affreusement inamical que l’on ne sait pas comment l’aborder, surtout pour évoquer un tel sujet.

— En effet, il est parfois ombrageux, convint Jane par égard pour Mrs Bailey et dans le seul but de ne pas prendre congé en silence.

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