La promesse d'Hortense - T04 by Anne-Marie Desplat-Duc

La promesse d'Hortense - T04 by Anne-Marie Desplat-Duc

Auteur:Anne-Marie Desplat-Duc [Desplat-Duc, Anne-Marie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse, Historique, Roman
Éditeur: Flammarion
Publié: 2006-09-02T22:00:00+00:00


CHAPITRE

19

Le calme du sanctuaire m’enveloppa.

Un instant, il me sembla que j’étais à Saint-Cyr avec Isabeau, Charlotte et Louise et que notre chant allait s’élever vers l’autel. Ah, que notre insouciance était loin ! Il me parut qu’il y avait un siècle que j’avais quitté notre maison et que j’avais vieilli d’autant.

À la fin de l’office, je me rendis à la sacristie où le prêtre ôtait sa chasuble. Je m’agenouillai devant lui, tête baissée.

— Bénissez-moi, mon père.

— Ne sais-tu pas, méchant drôle, que l’on doit quitter son bonnet en entrant dans un lieu saint !

J’avais gardé mon bonnet et, comme je portais culotte, il me prenait pour un garçon. Je me découvris précipitamment.

— Seigneur, une fille ! s’exclama-t-il en voyant ma chevelure rousse sale et mal taillée mais que l’humidité avait transformée en un casque de boucles m’encadrant le visage.

Je crus un instant qu’il allait me chasser, me traiter de sorcière pour avoir voulu m’approprier un sexe qui n’était pas le mien. Il lut sans doute ma détresse dans mes yeux car il s’adoucit et me releva d’une main.

— Ma pauvre enfant, que vous est-il donc arrivé ? Vous n’êtes pas de notre paroisse ?

— Non, mon père… je viens de fort loin…

Un moment de panique fit trembler ma voix. Je ne pouvais mentir à un prêtre, mais lui dire la vérité était trop risqué. J’escamotai donc la première partie de mon aventure pour n’en livrer que la seconde.

— … du Vivarais. J’accompagnais un maître cruel à Genève.

— Un huguenot ?

— Je l’ignore. Il me battait et ne me nourrissait pas. J’ai profité du passage du Rhône pour lui échapper.

— Pourquoi donc vous a-t-il vêtue en garçon ?

— Je ne peux vous le révéler, mon père…

— Avait-il des mœurs à l’italienne{21} ? s’offusqua le prêtre.

Je rougis sans le désavouer, ce qui m’évita un mensonge.

— Venez, mon enfant, vous allez vous changer, vous réchauffer et vous restaurer.

Je le remerciai, heureuse que quelqu’un s’occupât enfin de moi.

Il me conduisit à la cure, attenante à l’église. Dès qu’il eut refermé la porte, il appela Marie, sa servante, une vieille femme toute en rondeurs.

— Prépare un baquet d’eau chaude pour cette demoiselle et déniche-lui une tenue plus décente pour son sexe.

Une heure plus tard, je trempais avec délices dans une eau chaude à souhait qui m’ôta la crasse de plusieurs semaines de voyage. Au sortir du baquet, la vieille femme m’enveloppa dans un drap tiède et entreprit de me démêler les cheveux. Elle était affable et ne me posa aucune question embarrassante. Elle m’apporta ensuite un jupon rapiécé et des bas de grosse laine, une jupe et un justaucorps de toile noire sans broderie ni dentelle aucune, un châle à peine ouvragé et un petit bonnet de lin blanc. Je supposai qu’il s’agissait du costume des femmes de cette province et probablement le sien.

Elle m’aida à me vêtir, mais j’étais si menue qu’il fallut froncer beaucoup le lien du jupon et celui de la jupe pour ne point que je les perde. Ce trop-plein d’étoffe autour de ma taille me faisait ressembler à une matrone, ce qui déclencha mon fou rire.



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