Les heures joyeuses - 5 - Neuf secondes et demie by Alexis Clairmont

Auteur:Alexis Clairmont [Clairmont, Alexis]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Moeurs, Nouvelle, XXIème siècle
ISBN: 2845470134
Éditeur: H&O
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

* * *

Assis sur les marches du centre social des Tourterelles, Greg terminait sa cigarette en regardant d’un air absent Farid et Michaël s’amuser à mettre le feu à leurs pets.

— Woh, M’sieur ! Vous avez vu ? Michaël il a l’feu au cul, eh l’pédé !

Au moins, les chamailleries de ces deux-là le rassuraient sur la stabilité du monde. Depuis trois semaines, tout foutait le camp autour de lui. Noël et Thomas s’étaient repliés sur eux-mêmes depuis l’annonce du départ de ce dernier, Virginie se la jouait distante et évasive, même Dino, pilier parmi les piliers, commençait à se faire rare au Paradis. Seul Laurent restait fidèle au poste, malgré une évidente mélancolie.

Difficile de croire qu’il y avait moins d’un an que l’étudiant était entré dans leur bande. Difficile de croire que leur bande ait pu exister sans lui, avant. Et encore plus qu’elle dure après le départ de Thomas.

— Salut beau gosse.

Laurent.

— J’étais justement en train de penser à toi, fit Greg en s’apprêtant à se lever pour lui faire la bise. Qu’est-ce qui t’amène ici ?

À mi-question, son sens des convenances avait censuré son geste et ses muscles s’étaient aussitôt relâchés, laissant son postérieur à dix centimètres du sol, aux prises avec la gravité universelle.

— J’avais un creux dans mon emploi du temps et je me suis dit que ça te dirait peut-être de m’offrir un café, répondit l’étudiant sur la pointe des pieds.

Apparemment, en anticipation de l’accueil habituel, il s’était attendu à trouver la joue de Greg pour amortir son erre et se retrouvait maintenant en équilibre précaire, les lèvres tendues et les yeux trahissant une panique fugitive.

— Pédé toi-même, hé, enculé de ta tante ! cria Michaël en illustration de l’homophobie ambiante.

— Et tu as traversé toute la ville pour mon café ? s’étonna l’éducateur. C’est plutôt flatteur.

— OK, j’avais envie de parler un peu, avoua Laurent.

Farid et Michaël venaient de commencer à se courser autour du parking de l’immeuble, ce qui (selon les statistiques de Greg) leur laissait entre trois et cinq minutes de tranquillité avant qu’ils n’en viennent aux mains.

— Thomas ?

— Mounir.

— Tiens, ça change !

— Pas vraiment. Tu crois que j’arriverai un jour à avoir une relation normale avec un mec ?

— Tu me demandes ça, à moi ? Qu’est-ce qui se passe, avec Mounir ?

— Bah, rien, justement !

— Tu veux dire, au niveau mécanique ?

— T’es au courant ? J’avais dit à Thomas de garder ça pour lui.

— Il ne m’a rien dit. D’ailleurs, il ne me dit plus rien depuis trois semaines.

— Alors, comment tu le sais ? (Pause.) On parle bien de la même chose ?

— L’Orient-Express ? J’ai fait le voyage, moi aussi.

— Merde ! Tu veux dire que c’est systématique ?

— Faut croire. Cela dit, je n’ai jamais retenté l’expérience.

— Pourquoi ?

— À quoi bon ?

— C’est dégueulasse ! Il a plein d’autres qualités. Et il n’y a pas que le sexe, dans la vie.

— Franchement, tu te vois rester la queue sur l’oreille à chaque fois ?

— Non… Mais je suis sûr que ça se soigne, ce genre de choses.

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