Yamanote rendezvous by Serge Cassini

Yamanote rendezvous by Serge Cassini

Auteur:Serge Cassini [Cassini, Serge]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction et littérature
Publié: 2021-06-07T00:00:00+00:00


Le faux japonais

Bruce Ujk se faisait passer pour un Japonais depuis une quinzaine d’années. Tous les matins, il partait travailler et la nuit dormait, ivre, sur le quai du métro. Le matin un usager le réveillait et il repartait travailler, sa sacoche sous le bras, le coeur rempli de rapports de réunion et du projet faramineux de nouvelle campagne publicitaire pour une boisson transparente-colorée sans goût au goût de pizza de luxe napolitaine à la pulpe d’ananas bio sans gluten.

Pendant la réunion, on le regarda de travers. Bruce compris qu’on allait bientôt le montrer du doigt en s’époumonant comme une ménagère découvrant une blatte dans son bol de riz : « Bruce, vous êtes un faux Japonais ! »

Bruce se rendit au WC pour réfléchir. Tout en se faisant pénitence avec le jet d’eau dirigé sur les testicules, il en arriva à la conclusion qu’il devait anéantir entièrement le Japon pour garder son secret secret. Si plus aucun Japonais n’existait pour l’accuser d’être un faux Japonais alors il pourrait continuer à être un Japonais, le seul au monde, le Japonais Alpha que des millions de Chinoises venues de la campagne chercheraient à cloner dans leur ventre en rêvant de le promener le long d’un boulevard Ginza mondialisé.

Bruce constata qu’il était resté trop longtemps au WC, par là il se trahit plus profondément. Il n’avait pas d’autre choix que de se protéger d’une accusation publique en disparaissant comme un Japonais. Il chercha à s’étrangler mais ne réussi qu’à se faire tousser. Il comprit qu’il n’était pas assez Japonais pour jouir de la fatalité nonchalante d’une mort volontaire.

En sortant des toilettes, il tomba sur la Petite Tuberculeuse. C’est ainsi que tout le monde l’appelait dans la boîte. Depuis longtemps, elle n’avait plus de nom propre, elle était le souffre-douleur du bureau et on passait son temps à l’ignorer, ce qui l’humiliait profondément, et le niveau de stress collectif revenait ainsi à un niveau national acceptable rendant la boîte encore un peu concurrentielle, gagnant encore quelques mois de sécurité de l’emploi, peut-être.

Bruce faillit parler à la petite tuberculeuse.

Merde. De toute façon, Bruce allait être démasqué, reconduit à la frontière, marqué au fer rouge de la honte.

Il appela la petite tuberculeuse.

– Euh. Salut. Je voulais m’excuser. Ça doit pas être facile tous les jours d’être… enfin tu vois, d’être quoi.

– Merci. Mais ça peut aller. Je prends des médicaments. Dans ma famille c’était la même chose. Paradoxalement, je me sens plus forte que vous tous. Je suis de l’autre côté de la barrière de la méchanceté. Je peux en mourir, mais au moins je ne fais de mal à personne.

Bruce pensa un instant que ce qu’elle disait était bizarre, hors des normes conversationnelles, et qu’elle méritait donc bien son sort, mais il se rappela aussi qu’il était un faux Japonais et ressentit une certaine forme de pitié mêlée d’admiration amère. Il ne sut que faire avec ce sentiment. Il l’écrasa comme une blatte.

– Je m’appelle Kukikokiko.

Bruce se rappela soudain d’une voisine qui portait le



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