Voyage en Pologne by Alfred Döblin

Voyage en Pologne by Alfred Döblin

Auteur:Alfred Döblin
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2015-08-20T16:00:00+00:00


Il y a dans la rue Mochnatzki un musée national ukrainien, un bâtiment simple précédé d’un jardin. L’archevêque grec-catholique l’a fondé avant la guerre. On y trouve beaucoup d’art religieux. Images de saints, ornements sacerdotaux, chandeliers d’église. Un Jugement dernier peint sur bois avec des foules de personnages naïfs. Une Bible en vieux slavon. Des icônes sur fond d’or, où figurent des femmes merveilleusement charmantes, l’air sévère. Les visages des saints sont stéréotypés, ils ont de grands yeux morts. Des lustres huzules en bois de vives couleurs pendent au plafond. Il y a de très anciens kilims. L’art du tissage de ces tapis est-il polonais ? Non ; il est arrivé de l’Orient avec les Tatares. On me désigne des différences entre la vieille peinture russe et l’ukrainienne ; je ne les vois pas, ou elles ne me semblent pas si grandes. Je comprends que les Ukrainiens veulent se délimiter aussi des Russes ; l’art russe est censé être détaillé, l’ukrainien plus simple. La plus grande partie de cette vieille peinture religieuse est de la tempera sur bois. Une petite exposition de peinture ukrainienne moderne y est jointe : graphiques, silhouettes découpées aux ciseaux avec des traits archaïques, délicats paysages des Tatras.

Depuis le temps de l’Autriche, la ville a un lycée ukrainien de droit public. Mais les pensées tournent toujours autour de l’université ukrainienne de Lemberg. Les Ukrainiens n’envoient pas leurs fils étudier à Lemberg pour ne pas créer de précédent. Il y avait une université ukrainienne secrète ici ; elle a disparu sous les persécutions. Prague, où vivent des émigrants, en avait une, mais elle n’existe plus maintenant. On forma le projet de joindre une annexe ukrainienne à l’université polonaise de Cracovie. Les Ukrainiens ne le voulurent pas ; ils se sentiraient arrachés à leur peuple qui les soutient ; les professeurs ukrainiens en exil refusèrent. Quand, à Genève, le ministre polonais des Affaires étrangères promit qu’il y aurait une université ici, il dut faire biffer le passage dans le protocole. Des manifestations polonaises de protestation menacèrent d’éclater à Lemberg. C’est ainsi que les peuples restent irréconciliables.

Je me rends à la campagne, je vois ces hommes et femmes ukrainiens, leurs enfants. Une souche humaine extraordinairement robuste, riche en types. Les familles ont beaucoup d’enfants. Une masse de fermes naines et une tendance à la prolétarisation. Ils occupent le pays ; dans un nombre de villes comme Stanislau, Kolomea, Drohobycz, ils représentent la majorité en face des Polonais et des Juifs. Les Polonais possèdent les latifundia. La plupart du temps, ils ne travaillent pas la terre eux-mêmes, ils l’afferment ; ces contrats de fermage, dit-on, doivent être à présent abolis. Le pourcentage d’intellectuels ukrainiens est mince, mais les fils de paysans ont une forte envie d’accéder à la culture. Leur clergé est socialement radical et politiquement nationaliste. Il représente l’avant-garde du mouvement politique, comme autrefois chez les Polonais. « Quelle est votre religion ? » La religion grecque uniate. Elle est de rite grec, comme l’Église russe. La messe, les chants sont en vieux slavon, les prônes en ukrainien.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.