Voyage au centre de la terre by Jules Verne

Voyage au centre de la terre by Jules Verne

Auteur:Jules Verne [Verne, Jules]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Romans
Éditeur: Atramenta (www.atramenta.net)
Publié: 2011-01-20T05:00:00+00:00


XXIII

Pendant une heure j’imaginai dans mon cerveau en délire toutes les raisons qui avaient pu faire agir le tranquille chasseur. Les idées les plus absurdes s’enchevêtrèrent dans ma tête. Je crus que j’allais devenir fou !

Mais enfin un bruit de pas se produisit dans les profondeurs du gouffre. Hans remontait. La lumière incertaine commençait à glisser sur les parois, puis elle déboucha par l’orifice du couloir. Hans parut.

Il s’approcha de mon oncle, lui mit la main sur l’épaule et l’éveilla doucement. Mon oncle se leva.

« Qu’est-ce donc ? fit-il.

- Vatten », répondit le chasseur.

Il faut croire que sous l’inspiration des violentes douleurs, chacun devient polyglotte. Je ne savais pas un seul mot de danois, et cependant je compris d’instinct le mot de notre guide.

« De l’eau ! de l’eau ! m’écriai-je en battant des mains, en gesticulant comme un insensé.

- De l’eau ! répétait mon oncle. Hvar ? demanda-t-il à l’Islandais.

- Nedat », répondit Hans.

Où ? En bas ! Je comprenais tout. J’avais saisi les mains du chasseur, et je les pressais, tandis qu’il me regardait avec calme.

Les préparatifs du départ ne furent pas longs, et bientôt nous descendions un couloir dont la pente atteignait deux pieds par toise. Une heure plus tard, nous avions fait mille toises environ et descendu deux mille pieds.

En ce moment, nous entendions distinctement un son inaccoutumé courir dans les flancs de la muraille granitique, une sorte de mugissement sourd, comme un tonnerre éloigné.

Pendant cette première demi-heure de marche, ne rencontrant point la source annoncée, je sentais les angoisses me reprendre ; mais alors mon oncle m’apprit l’origine des bruits qui se produisaient.

« Hans ne s’est pas trompé, dit-il, ce que tu entends là, c’est le mugissement d’un torrent.

- Un torrent ? m’écriai-je.

- Il n’y a pas à en douter. Un fleuve souterrain circule autour de nous ! »

Nous hâtâmes le pas, surexcités par l’espérance. Je ne sentais plus ma fatigue. Ce bruit d’une eau murmurante me rafraîchissait déjà. Le torrent, après s’être longtemps soutenu au-dessus de notre tête, courait maintenant dans la paroi de gauche, mugissant et bondissant. Je passais fréquemment ma main sur le roc, espérant y trouver des traces de suintement ou d’humidité. Mais en vain.

Une demi-heure s’écoula encore. Une demi-lieue fut encore franchie.

Il devint alors évident que le chasseur, pendant son absence, n’avait pu prolonger ses recherches au-delà. Guidé par un instinct particulier aux montagnards, aux hydroscopes, il « sentit » ce torrent à travers le roc, mais certainement il n’avait point vu le précieux liquide ; il ne s’y était pas désaltéré.

Bientôt même il fut constant que, si notre marche continuait, nous nous éloignerions du torrent dont le murmure tendait à diminuer.

On rebroussa chemin. Hans s’arrêta à l’endroit précis où le torrent semblait être le plus rapproché.

Je m’assis près de la muraille, tandis que les eaux couraient à deux pieds de moi avec une violence extrême.

Mais un mur de granit nous en séparait encore.

Sans réfléchir, sans me demander si quelque moyen n’existait pas de se procurer cette eau, je me laissai aller à un premier moment de désespoir.



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