Vie et mort des épidémies by Patrice Debré & Jean-Paul Gonzalez

Vie et mort des épidémies by Patrice Debré & Jean-Paul Gonzalez

Auteur:Patrice Debré & Jean-Paul Gonzalez [Debré, Patrice & Gonzalez, Jean-Paul]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science, Microbiologie, médecine, Histoire
ISBN: 9782738176189
Éditeur: Odile Jacob
Publié: 2013-05-29T22:00:00+00:00


« Par le contact vénérien, une maladie nouvelle, ou tout du moins inconnue des médecins qui nous ont précédés, le mal français, s’est glissée de l’Occident jusqu’à nous au moment où je publie cet ouvrage. Si repoussant est l’aspect de tout le corps, si grandes sont les souffrances, la nuit surtout, que cette maladie surpasse en horreur la lèpre généralement incurable ou l’éléphantiasis, et la vie est en danger197. »

Bien que sa présentation soit inconstante, un tableau clinique type peut être déduit des écrits médicaux de l’époque. « L’impétueuse, horrible et abominable maladie », comme la qualifie le poète Jean Molinet (1435-1507), débute souvent par un abcès de la verge d’où s’écoule une sanie putride pendant plusieurs mois, puis les lésions cutanées s’étendent à tout le scrotum et, secondairement, à l’ensemble du corps qui se constelle de pustules. À ces tourments s’ajoutent de violentes douleurs dans les os et dans la tête, qui privent le malade de sommeil. Alessandro Benedetti (1450-1525), un chirurgien formé à Padoue qui servit à Fornoue, raconte qu’il vit des mercenaires perdre les yeux, les mains, le nez ou les pieds. D’autres disent avoir observé des ulcères rongeant les lèvres, la gorge, des paralysies plus ou moins complètes, la perte des oreilles, des testicules et même du membre viril. Car, outre qu’elle est inconnue, agressive, éruptive et affreusement douloureuse, la maladie épouvante par sa hideur.

Dans un dialogue d’Érasme (1469-1536) publié en 1529 et intitulé Le Mariage funeste ou l’Union mal assortie, les protagonistes dissertent des épousailles d’une jeune damoiselle de 16 ans avec un noble réputé pour deux choses : « Le mensonge et la vérole, qui n’a pas encore de désignation exclusive puisqu’elle a une grande variété de noms. » La description de l’impétrant fait froid dans le dos : « Nez cassé, un pied qui traîne, […] des mains crochues, une haleine à vous faire tomber par terre, les yeux éteints, la tête branlante, des matières sanglantes lui sortant du nez et des oreilles198. » En forçant le trait, l’auteur livre une peinture à la fois physique et morale d’un homme prêt à ruiner la vie d’une innocente sans le moindre embarras de conscience. Érasme était hypocondriaque et, hanté par le spectre des maladies, il se plaignait continuellement de la nourriture, du vin, de l’air et du climat auxquels il était assujetti au cours de ses déplacements. À ses yeux, cette calamité est pire que la lèpre, car elle progresse plus vite et provoque des difformités repoussantes. Il la craint parce qu’elle se transmet en toute occasion, « par un baiser, par la conversation, par le toucher, en buvant ensemble. Et nous pouvons voir que cette maladie s’accompagne de haine et que quiconque est dans ses griffes prend plaisir à contaminer autant de personnes qu’il pourra, bien que cela ne l’aide en rien ». Le mal ronge les chairs autant qu’il corrompt les âmes, affirme Érasme qui, pétrifié par sa terreur de la contamination, fait œuvre de moraliste plus que de naturaliste ou de clinicien.



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