Venise est une fête by Garlini Alberto

Venise est une fête by Garlini Alberto

Auteur:Garlini, Alberto [Garlini, Alberto]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Italienne, Historique
ISBN: 9782267020717
Éditeur: Martine - TAZ
Publié: 2010-02-03T23:00:00+00:00


À présent les pensées sont trop claires, intolérablement claires. Violemment, implacablement, douloureusement claires. Il a besoin d’un café, d’un thé ou d’un litre d’eau pour contenir les effets de l’alcool et refermer aussitôt la porte de la chambre secrète qui s’est ouverte dans son esprit. Les pensées claires et sincères sont un antidote au mal de vivre, et l’alcool est le meilleur tueur de géants disponible sur le marché. Pourtant, aujourd’hui, l’alcool ne tue aucun géant et la clarté est sans pitié. Alors il a besoin d’un café, d’un thé ou d’un litre d’eau pour éteindre la lumière des Martini et étouffer le froid lumineux de Venise.

Ernest gagne la place Saint-Marc en moins d’une demi-heure. Les bonnes rues viennent à sa rencontre par habitude, comme lorsqu’on cherche la salle de bains, la nuit, encore dans un demi-sommeil. Même s’il n’y a que cinq cents mètres de l’endroit où il se trouve jusqu’au Gritti, il n’a pas la force de rentrer tout de suite à l’hôtel. Il a besoin de faire une brève étape pour se reprendre avant la dispute. Il est très tard et Mary sera folle de rage. Ernest est sorti tôt dans la matinée, il rentre dans l’après-midi et n’a pas eu la courtoisie de laisser un mot. Autrefois il était amoureux, il écrivait des poésies pour miss Mary : les pires que puisse écrire un homme. Elles se déroulaient pendant la guerre, il y racontait les morts et feignait d’être un héros. Mais il s’est rapidement lassé de l’amour et a cessé d’écrire des vers. Pour rester ensemble, ils se sont mis à voyager, puis ils ont également arrêté de voyager : ils se déplacent d’un endroit à l’autre, comme des valises. La seule obligation d’Ernest, c’est d’être gentil avec elle, qui l’est toujours avec lui. Seulement celle-là, et il n’arrive pas à la remplir.

L’entrée du café Florian se trouve sous les arcades des Procuraties, sur l’un des deux côtés de la place à l’ombre. Au sol, les grandes pierres lisses et carrées sont blanches et amarante. Derrière les vitrines, dans les cafés abrités du vent, les miroirs dorés des fastes vénitiens resplendissent. Les meilleures tables sont déjà occupées et, guidé par un serveur, Ernest est obligé de s’asseoir dos à la porte. Il ne reste pas longtemps dans cette position : il se sent menacé et opte pour une manœuvre de repli. Il va au comptoir, d’où l’on a une bonne vue et assez d’espace pour poser les coudes. Il reconnaît sa voix qui dit : « Un Martini Dry », et doit en prendre acte. Au diable le thé et le café, songe-t-il, si boire du bon gin me fait mal, alors j’aurai mal.

« La baronne s’est astucieusement déguisée, déclare un homme à l’autre bout du comptoir. Ses cheveux ont deux centimètres de longueur et elle ne ressemble plus à la femme que nous connaissions. » Il parle avec une serveuse menue et très jolie, du moins si l’on se contente de lèvres charnues et d’une bonne dose d’ingénuité en guise de beauté.



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