Utopies réelles by Erik Olin WRIGHT

Utopies réelles by Erik Olin WRIGHT

Auteur:Erik Olin WRIGHT [Olin Wright, Erik]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: La Découverte
Publié: 2017-01-15T00:00:00+00:00


CHAPITRE 7

Utopies réelles II :

pouvoir d’agir social et économie

La question des institutions économiques, et plus précisément les questions de l’organisation sociale du pouvoir sur l’allocation des ressources et du contrôle de la production et de la distribution, se situe au cœur même d’une alternative socialiste au capitalisme, quelle que soit par ailleurs la définition du socialisme que l’on entend défendre. Dans les conceptions étatistes du socialisme, un tel pouvoir est logiquement détenu par l’État. Et, dans les versions les plus maximalistes, cette situation se traduit par la propriété étatique des principaux moyens de production et la planification centralisée. La conception du socialisme que nous défendons ici ne prétend pas résoudre définitivement le problème du contrôle des processus économiques. Selon les manières dont s’exerce le pouvoir social sur la production et la distribution des biens et des services, différentes formes institutionnelles hétérogènes peuvent en effet émerger.

La plupart des propositions que nous exposerons par la suite mettent en avant des dispositifs institutionnels qui renforcent le pouvoir d’agir social, tout en laissant une place substantielle aux marchés. En un sens, ces dispositifs ont tendance à envisager une sorte de « socialisme de marché ». Bien entendu, cet infléchissement s’oppose aux conceptions marxistes traditionnelles du socialisme dont la finalité est de transcender non seulement les rapports de classes capitalistes, mais aussi le marché en tant que tel. Selon le marxisme traditionnel, les préjudices causés par le capitalisme en tant que système de production sont liés aux effets pervers du marché tout comme au pouvoir et à l’exploitation qui structurent la relation de classes entre capitalistes et travailleurs. La vision d’un socialisme postcapitaliste s’articule donc autour d’un mouvement qui promeut l’égalitarisme, dont le principe se résume à travers le célèbre aphorisme « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins », et de l’aspiration à une économie rationnellement ordonnée, dans laquelle la production et la distribution des biens et des services sont organisées selon un mécanisme de planification collective.

De nos jours, peu de théoriciens estiment qu’une économie complexe et à grande échelle pourrait survivre sans un minimum de coordination économique assurée par un système de marchés – définis comme système d’échanges décentralisés et volontaires dont les prix sont fixés par le mécanisme de l’offre et de la demande1. Pour autant, cela ne signifie pas que l’économie doit être entièrement coordonnée par des marchés « libres » et dérégulés, ou que la solution à l’immense majorité des besoins économiques réside dans les échanges marchands, mais tout simplement que les échanges décentralisés dont les prix sont fixés par le marché peuvent jouer un rôle significatif dans l’organisation économique. Pour la plupart des adversaires du capitalisme, une planification globale encadrée par des institutions bureaucratiques centralisées ou des institutions participatives décentralisées n’apparaît plus comme une alternative viable. L’enjeu est donc le suivant : comment contraindre le fonctionnement des marchés en fonction des priorités démocratiques fixées par l’État ou d’autres formes institutionnelles alternatives ? Et comment neutraliser les mécanismes qui sont responsables des effets négatifs produits par les marchés ? La réponse à ces deux questions reste selon nous ouverte.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.