Une vie by Veil

Une vie by Veil

Auteur:Veil
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Stock
Publié: 2007-10-31T04:00:00+00:00


Telle est l’étrangeté de notre vie politique : alors que, non sans mal, j’avais fait voter une loi qui bouleversait les mentalités françaises et améliorait – j’en avais la conviction – l’existence de dizaines de milliers de femmes, entorse au politiquement correct, dans la gestion quotidienne de mon ministère, les lobbies professionnels, revenus de leur surprise, se réveillaient pour faire obstacle aux mesures d’intérêt général que je voulais prendre.

Il faut dire qu’après les turbulences de mai 1968, le monde de la médecine avait retrouvé un vieux réflexe de blocage. Face à la moindre réforme envisagée, les adhérents du syndicat autonome se montraient conservateurs jusqu’à frôler l’obscurantisme. Les mandarins bloquaient tout, ou du moins s’y essayaient. Voyant que leurs manœuvres d’obstruction n’étaient pas couronnées de succès, ils entreprirent de se plaindre auprès de Valéry Giscard d’Estaing. Le Président me soutint d’autant plus que je l’avais prévenu lors de ma nomination : « Vous êtes obligé de me faire confiance et de considérer que je fais ce qu’il y a à faire. Compte tenu de ce que je suis, je ne peux exister que grâce à votre soutien. Que ce soutien me fasse défaut, et je serai paralysée. »

Fidèle à ses engagements, le Président avait d’abord renvoyé les mandarins protestataires à leurs cabinets et à leurs chaires, mais le conflit prit de l’ampleur lorsque je commençai à me pencher sur le délicat problème de la Sécurité sociale, les partenaires sociaux se contentant de constater des déficits croissants puis, faute de s’accorder sur les mesures à prendre, se tournaient vers l’État providence. Inutile d’être expert pour deviner qu’un tel état de choses ne pourrait s’éterniser. Pourtant, à en croire les réactions de l’opinion publique autant que du personnel médical, il s’agissait pour tout le monde d’une découverte. Il est vrai que les uns comme les autres étaient modérément intéressés de connaître le véritable coût de la protection sociale.

Tout au long de ce parcours, je me suis souvent sentie isolée. Parfois, néanmoins, j’ai trouvé des alliés de poids que je ne me serais pas attendue à voir à mes côtés. Par exemple, lorsque j’ai décidé de lancer la première campagne antitabac qui ait jamais eu lieu en France, Jean-Pierre Fourcade ne m’a pas ménagé son appui. Il était pourtant ministre des Finances, et nul n’ignore l’importance de la manne fiscale liée à la vente des tabacs. Cependant, il a aussitôt saisi l’intérêt sanitaire d’une telle campagne et lui a apporté son soutien. Le Président s’est lui-même montré favorable à ce combat ; il est vrai qu’il n’a jamais fumé. Il fut heureux, aussitôt, de faire retirer les cendriers de la table du Conseil, ainsi débarrassé des havanes de Michel Poniatowski. Quant à Jacques Chirac, à l’époque fumeur impénitent, il n’avait pas saisi la nécessité d’une telle campagne. Il faut dire que le lien entre le tabac et le cancer était moins établi qu’aujourd’hui.



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