Une partie de chasse by Agnès Desarthe

Une partie de chasse by Agnès Desarthe

Auteur:Agnès Desarthe [Agnès Desarthe]
La langue: fra
Format: epub
Tags: roman
ISBN: 9782757835968
Éditeur: Editions de l'Olivier
Publié: 2012-07-10T22:00:00+00:00


— Et t’as pas trouvé ça bizarre, toi, ce prof, tout seul dans sa baraque ? D’où y sortait ce type-là ? Moi, j’aurais pas eu confiance. Quand même, merde, les écoles, c’est pas pour les chiens, c’est plus sérieux qu’un pédophile qui montre des bateaux de guerre à un gamin sans défense.

Dumestre n’a pas apprécié le chapitre concernant Hector. Pour lui, c’est louche.

— Et ça me dit toujours pas de quoi ta mère est morte, en plus. Oh, putain, j’ai le froid qui me remonte par le bide.

— Et tes pieds ?

— Me parle pas de mes pieds, compris ? Finis ta putain d’histoire et après on verra. J’ai cru entendre une sirène de pompiers. T’as pas entendu une sirène de pompiers ?

— Si, reconnaît Tristan sans ajouter qu’elle était lointaine et avait semblé s’éloigner encore davantage avant de s’éteindre dans le vacarme ambiant.

La lumière a tant baissé d’un coup qu’on se croirait au crépuscule. Pourtant c’est le milieu de l’après-midi. Bientôt l’heure du thé. Ils n’en boiront pas. Pas plus que de ce merveilleux café au goût de ferraille dégusté quelques heures plus tôt.

–Peretti aurait quand même pu nous laisser sa Thermos, grogne Dumestre.

— Dans l’état où on est, on aurait mieux profité de la piquette de Farnèse, répond Tristan dans une tentative maladroite de fraternisation virile.

Le seul fait de prononcer le mot « piquette » le met mal à l’aise. Il préférerait également désigner leur compagnon de chasse alcoolique par son prénom, mais il ne le connaît pas. Quand on ne l’appelle pas Farnèse, on l’appelle Titi. Titi pour Thierry sans doute. Mais si personne ne dit Thierry, alors… alors…

— Te moque pas de Farnèse, dit Dumestre après un silence. C’est un pauvre garçon. Avant il était vif. Il travaillait comme couvreur. L’amour du travail bien fait, il l’avait. Faut beaucoup d’équilibre dans ce métier, beaucoup de calme. Farnèse, on l’appelait le funambule. Il dansait au sommet des toits, jamais encordé, même pour la réfection de l’église où ça culminait à des quinze, vingt mètres. Jamais un casque. Juste une drôle de paire de chaussons de plongée, pas orthodoxes. Tu vois ce que je veux dire. Personne dans le métier en a des comme ça. Les gars, y sont en croquenots. Et lui – c’est là qu’on voit que c’était un original –, il faisait ça en pantoufles de caoutchouc. D’ailleurs ce mot, là, qu’on dirait du grec ou du chinois, « orthodoxe », c’était un mot à lui. Il disait : C’est p’têt’ pas orthodoxe, mais ça marche !

« Il avait eu une histoire avec la directrice d’école alors qu’il était encore qu’un môme. La directrice, hein ? Pas l’institutrice. La directrice en personne, qui était une très belle femme. Lui, il devait avoir dans les dix-huit ans. La directrice était pas vieille, la trentaine. Mais bon, c’était l’amour impossible, quoi. Lui, y travaillait comme apprenti, chez Lamalle, le couvreur, mais il avait le goût des choses raffinées. On sait pas d’où ça vient ces bizarreries. Comme le pavot au bord des champs de blé.



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