Une machine comme moi by Ian McEwan

Une machine comme moi by Ian McEwan

Auteur:Ian McEwan [McEwan, Ian]
La langue: fra
Format: epub
Tags: SF / Fantastique
Éditeur: Gallimard
Publié: 2020-01-17T16:00:00+00:00


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Peu après avoir été radié de la profession de juriste, j’avais créé une société avec deux amis. L’idée était d’acheter des appartements romantiques à Rome et à Paris au prix local, d’y effectuer des rénovations haut de gamme, de les orner de mobilier ancien et de les revendre à des Américains aisés et cultivés, ou à des agences qui feraient la même chose. Ce n’était pas précisément la voie la plus rapide pour devenir millionnaires. La plupart des Américains cultivés n’étaient pas riches. Ceux qui l’étaient ne partageaient pas nos goûts. La tâche se révélait compliquée et épuisante, surtout à Rome, où il avait fallu apprendre comment et à quels responsables locaux verser des pots-de-vin. À Paris, c’était la bureaucratie qui nous décourageait.

Un week-end, j’avais pris l’avion pour conclure un marché à Rome. Mon client tenait à ce que je descende dans le même hôtel de luxe que lui. Il s’agissait d’un établissement réputé, situé en haut de l’escalier qui descend vers la place d’Espagne. Ce client occupait une suite somptueuse. J’étais arrivé à Rome un vendredi soir, mourant de chaud et éreinté par le trajet depuis l’aéroport dans une navette bondée. En jean et en tee-shirt, j’avais à l’épaule un sac bon marché au nom d’une compagnie aérienne norvégienne. J’avais pénétré dans un magnifique hall. Pur effet du hasard, le directeur se tenait près de la réception. Ce n’était pas moi qu’il attendait – je n’étais pas assez important. Je me trouvais juste à passer là, et puisque c’était un homme courtois, extrêmement élégant et poli, il m’avait chaleureusement souhaité en italien la bienvenue dans son hôtel. Je ne comprenais qu’en partie ce qu’il disait. Sa voix était peu expressive, avec peu d’intonations, et mon italien médiocre. Un réceptionniste s’était approché et m’avait expliqué que le directeur était sourd de naissance, mais qu’il parlait neuf langues, européennes pour la plupart. Depuis l’enfance, il savait lire sur les lèvres, mais pour qu’il puisse lire sur les miennes, je devais lui indiquer en quelle langue je m’exprimais. Sinon il n’aurait aucune chance de me comprendre.

Il énuméra la liste. Norvégien ? Je fis non de la tête. Finnois ? L’anglais venait en quatrième position. Le directeur déclara qu’il aurait juré que j’étais scandinave. Notre conversation – plaisante, sans réelle profondeur – pouvait donc commencer. Mais en théorie tout un monde nous était ouvert, et une seule information avait suffi à le déverrouiller. Sans elle, le formidable don du directeur n’aurait pu opérer.

Le récit de Miranda offrait le même genre de clé. Notre conversation, c’est-à-dire notre amour, pouvait véritablement commencer. Le goût du secret de Miranda, sa réserve et son silence, sa défiance, sa façon d’avoir l’air plus vieille que son âge, sa tendance à devenir inaccessible, même dans nos moments de tendresse, étaient des formes de chagrin. Cela me peinait qu’elle ait porté seule sa tristesse. J’admirais l’audace et le courage dont témoignait sa vengeance. C’était un plan dangereux, réalisé avec une grande concentration, au mépris des conséquences. Je ne l’en aimais que plus.



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