Une jeune femme en guerre, Tome 2 by Maryse Rouy

Une jeune femme en guerre, Tome 2 by Maryse Rouy

Auteur:Maryse Rouy
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 978-2-76441-052-3
Éditeur: Les Éditions Québec Amérique


Pendant les semaines qui suivirent, le point culminant de ses journées fut le moment où elle prenait dans son casier la lettre quotidienne d’Edmond. Elle la glissait dans sa poche, sous le regard faussement compatissant de Gloria, qui lui répétait de temps à autre qu’elle se fourvoyait en entretenant une relation amoureuse avec un soldat. Puis, en compagnie de ses confrères, elle écoutait avec passion les nouvelles du front de l’ouest sur la TSF du Stampa Estera. Les Alliés n’avançaient pas aussi vite que prévu, on pouvait même dire qu’ils piétinaient, et cet espoir de voir la guerre se terminer rapidement diminuait chaque jour. Il se passerait encore du temps avant que les Allemands ne capitulent, du temps et des morts. Et tout cela, alors que la fin était inéluctable, était tellement cruel et inutile.

Durant cette période, Gloria et Mike obtinrent plusieurs fois l’autorisation d’aller sur le front où les Américains combattaient, mais les autorités canadiennes opposaient une fin de non-recevoir à chacune des demandes de Lucie. Pourtant, elle savait qu’il y avait des journalistes qui s’y étaient rendus : c’étaient des collègues masculins de journaux canadiens par rapport auxquels elle n’était pas censée être défavorisée. Elle avait été bien naïve de croire que le départ de Juteau changerait tout : elle y avait gagné une place dans la salle de rédaction, mais pas le droit d’aller au cœur des événements.

Un espoir de voir la situation se débloquer lui vint du sergent Robertson, qu’elle n’avait pas revu depuis leur arrivée à Naples et qu’elle fut sincèrement contente de croiser au Stampa Estera. Le plaisir fut réciproque, et Bill Robertson, qui était à Rome jusqu’au lendemain, lui demanda de passer la soirée avec lui. Ils mangèrent, puis allèrent danser. L’humour du sergent et sa bonne humeur rendirent ces moments très agréables.

Entre deux danses, savourant béatement une gorgée de spumante, il s’exclama :

— Ça, c’est la vraie vie ! Je resterais bien à Rome, moi.

— Moi, par contre, rétorqua Lucie, j’irais volontiers faire un tour à la guerre, ce qui me permettrait d’exercer mon métier.

— Je croyais que tu préférais te cantonner à Rome et que c’était pour cette raison que tu n’étais pas venue.

— Pas du tout. Je demande sans arrêt l’autorisation de rejoindre l’armée, mais on me la refuse chaque fois sous prétexte qu’on n’y accepte pas de civils en ce moment. Je sais pertinemment que c’est faux, mais je n’ai aucun pouvoir d’y changer quelque chose.

— Je vais t’arranger ça, promit Bill. Tu vas recevoir une invitation officielle du capitaine Scott, qui te parviendra par la voie hiérarchique.

— Il ne voudra jamais, voyons : souviens-toi à quel point notre unique rencontre s’est mal passée.

— Il n’a pas besoin de le savoir.

— Tu prendrais ce risque ?

— Bof… C’est rien du tout.

C’était beaucoup, au contraire, comme lorsqu’il lui avait permis de visiter le bureau de son supérieur sur le bateau pendant que celui-ci se reposait dans sa cabine. Était-il conscient du danger encouru ? Évidemment, il n’était pas sot. Alors,



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