Une histoire de la lecture by Alberto Manguel

Une histoire de la lecture by Alberto Manguel

Auteur:Alberto Manguel [Manguel, Alberto]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai
Publié: 1998-02-09T23:00:00+00:00


LEXANDRE le Grand a fondé Alexandrie vers 331.

L’historien romain Quinte-Curce, qui vécut sous le règne de Claude et écrivait donc plus de quatre siècles après l’événement, rapporte dans son Histoire d’Alexandre que la fondation eut lieu juste après la visite que rendit Alexandre au sanctuaire du dieu égyptien Ammon, “Celui qui est caché”, où le prêtre s’adressa au roi en l’appelant “Fils de Jupiter”. Ainsi placé en état de grâce, Alexandre choisit pour sa nouvelle cité le terrain qui s’étendait entre le lac Maréotis et la mer, et ordonna au peuple d’émigrer des villes avoisinantes vers la nouvelle métropole. “On raconte, écrit Quinte-Curce, qu’après que le roi eut, selon la coutume macédonienne, marqué avec de la farine d’orge le tracé circulaire de la future enceinte de la ville, des bandes d’oiseaux s’abattirent sur l’orge pour le picorer. Beaucoup considérèrent cela comme un mauvais présage, mais le verdict des augures fut que la ville aurait une importante population immigrante et procurerait des moyens d’existence à de nombreux pays1.”

Des ressortissants de nombreux pays s’assemblèrent en effet dans la nouvelle capitale, mais c’est une immigration d’un autre genre qui fit en définitive la renommée d’Alexandrie. À la mort d’Alexandre, vers 323, la ville était devenue ce que nous appellerions aujourd’hui “une société multiculturelle”, composée de politeumata, ou corporations fondées sur la nationalité, placées sous le sceptre de la dynastie des Ptolémée. La plus importante de ces nationalités, en dehors des Égyptiens indigènes, était représentée par les Grecs, pour qui l’écrit était devenu un symbole de sagesse et de puissance. “Ceux qui savent lire voient deux fois mieux”, écrivait le poète attique Ménandre au IVe siècle avant J. -C2.

Même si, par tradition, les Égyptiens avaient de tout temps enregistré par écrit une grande partie de leur activité administrative, il est probable que c’est l’influence des Grecs, convaincus que la société avait besoin de comptes rendus précis et systématiques de ses transactions, qui transforma Alexandrie en un État intensément bureaucratique. Vers le milieu du IIIe siècle avant J. -C., la masse des documents devenait encombrante. On établissait par écrit reçus, estimations, déclarations et permis. On trouve des spécimens de documents pour toutes sortes de travaux, si insignifiants fussent-ils : l’élevage de porcs, la vente de bière, le commerce de lentilles frites, la gérance d’un établissement de bains, une entreprise de peinture3. Un document datant de ~258-257 révèle que les bureaux comptables du ministre des finances Apollonius reçurent quatre cent trente-quatre rouleaux de papyrus en trente-trois jours4. L’amour du papier ne signifie pas l’amour des livres, mais il ne fait guère de doute que la familiarité avec l’écrit donna aux citoyens d’Alexandrie l’habitude de lire.

Si les goûts de son fondateur avaient quelque rôle à jouer, Alexandrie était destinée à devenir une ville d’amateurs de livres5. Le père d’Alexandre, Philippe de Macédoine, avait engagé Aristote comme précepteur pour son fils, et sous la tutelle d’Aristote, Alexandre était devenu féru de l’étude et des livres6. Lecteur si enthousiaste, à vrai dire, qu’il était rarement sans lecture. Au cours



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