Une femme en exil by Waresquiel Emmanuel De

Une femme en exil by Waresquiel Emmanuel De

Auteur:Waresquiel, Emmanuel De [Waresquiel, Emmanuel De]
La langue: eng
Format: epub
Tags: Mots a la bouche
Éditeur: ROBERT LAFFONT/BOUQUINS/SEGHER
Publié: 2011-03-02T23:00:00+00:00


15

L’archange de tous les désirs

Elle n’oubliera jamais le héros disparu de la Vendée. Elle n’en parle pourtant pas dans ses lettres. Par pudeur, par orgueil, parce que la douleur est trop vive? Mais a-t-elle besoin d’en parler puisqu’elle l’a définitivement mis sous la protection de celui qu’elle appelle «notre grand patron d’archange»? Michel, l’ange aux ailes de feu et au visage d’enfant, va littéralement l’habiter jusqu’à la fin de ses jours. L’ange justicier et guerrier mène à ses côtés une guerre moderne de libération contre l’impiété, les intérêts bourgeois, l’égoïsme, tout ce qui est bas, tout ce qui rampe, tout ce qui est petit, mesquin et laid. Il veille tel un conquistador des temps à venir, à la tête des cohortes célestes, avant de venger les rêves brisés de ses amis vendéens. Plus elle se rendra compte de la vanité terrestre de la cause de son roi, plus elle s’enfermera dans des certitudes immatérielles. La religion de l’incarnation l’attire peu, c’est le moins que l’on puisse dire. Sa foi est mystique, divinatoire, millénariste. C’est une parousie.

Peu après la révolution de 1830, elle avait commencé pour le comte James Alexandre de Pourtalès-Gorgier, riche banquier d’origine suisse et l’un des très grands collectionneurs parisiens de la monarchie de Juillet, une Lampe de saint Michel. Obsédée par cette œuvre dont elle réservera pour son mécène une version en bronze polychrome[182], elle n’aura de cesse de la reprendre dans son atelier de Florence, jusqu’à son achèvement en 1834[183].

L’ange veille le feu sacré de la résurrection sous une guérite en cathedra donjonnée et crénelée qui figure généralement dans les lampes gothiques, la Jérusalem céleste[184]. Il semble prononcer les paroles du Seigneur lui-même sur la fin du monde : «Prenez garde, veillez et priez; car vous ne savez pas quand ce temps-là doit venir[185].» La résurrection est évidemment liée dans l’esprit de Félicie à la restauration du royaume et ce royaume merveilleux, chevaleresque et chrétien est une fois de plus transporté en plein Moyen ge. Saint Michel, appuyé sur son épée, le regard tendu, comme aux aguets, porte l’armure des chevaliers de l’ordre créé en son nom par Louis XI[186]. Il est entouré de sa bannière, c’est-à-dire de ses vassaux figurés par quatre anges également revêtus d’armures, qui remplissent des fonctions précises conformément au règlement de l’ordre royal. Félicie transpose la chevalerie dans le monde éternel des anges, une chevalerie idéalisée, déjà réinterprétée, des romans courtois, des codes héraldiques, des vies et des chroniques de l’«automne du Moyen ge», pour reprendre la belle expression de l’historien Johan Huizinga à propos du xve siècle.

Le premier ange porte la lance de son seigneur, ornée de son pennon, de gueule à coquille d’or [187]. Un autre, le poursuivant d’armes, garde sa bannière, d’or à la croix de gueule, surmontée d’une croix d’or à double traverse, inspirée des croix de procession de la fin du Moyen ge[188]. Un troisième son heaume. Le dernier, le plus jeune et le plus faible des quatre, est son écuyer. Il ne fait rien et semble dormir.



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