Une affaire de sorciers by Georges Chesbro

Auteur:Georges Chesbro [Chesbro, Georges]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 1990-08-02T16:00:00+00:00

J’empruntai la 72ème rue pour traverser la ville, je tournai vers le sud dans East River Drive et débouchai dans le bas de Manhattan à hauteur de Houston Street. La douleur dans mon ventre persistait, comme si Greene avait oublié un bout d’aiguille à l’intérieur, mais ma fatigue avait disparu, chassée par l’excitation que me procurait la présence d’April. La fin de matinée et l’après-midi ne m’apparaissaient plus comme un cauchemar d’endurance forcée ; la femme assise à mes côtés rendait la vie plus belle et je devais me concentrer sur la gravité de ma mission.

Les voitures se pressaient sur la file de gauche pour emprunter la rampe d’accès du pont de Manhattan. Krowl habitait juste de l’autre côté du fleuve et l’idée m’effleura soudain, alors que je me faufilais sur la file de droite pour doubler, que je m’écartais du problème. Je perdais peut-être un temps précieux à rechercher Bobby Weiss dans le simple but d’obtenir des renseignements sur le cartomancien. Un flot de colère m’envahit en songeant que Krowl me cachait quelque chose… s’il me cachait quelque chose.

April devait partager mes pensées.

— Comment s’est passée votre séance avec John Krowl ? demanda-t-elle.

— Hmmmm.

— Que signifie ce “hmmmm” ?

— Ça signifie que vous aviez raison : j’étais très impressionné.

— Avez-vous eu un bon contact tous les deux ?

— Non, pas très bon. (Je lui lançai un regard en biais.) J’ai le sentiment qu’il sait quelque chose au sujet d’Esobus, mais il refuse de m’en parler. L’empreinte de la main de l’homme que je vais voir figurait parmi d’autres sur le mur de chez Krowl ; je veux savoir par quel moyen on pénètre dans le saint des saints, et ce que ça représente une fois qu’on y est. Au fait, l’empreinte de votre ex-mari s’y trouvait également.

April se retourna à moitié sur son siège, sa main se posa sur mon bras.

— Frank est allé consulter Krowl ?

— Sous le nom de Bart Stone ; c’est du moins ce qui est inscrit sous l’empreinte de sa main. Krowl ignorait peut-être son véritable nom quand il a fait le moulage.

— Peut-être, répondit April d’un air songeur. D’un autre côté, Bart Stone était beaucoup plus célèbre que Frank Marlowe ; ça faisait d’ailleurs partie des choses qui l’obsédaient. Il rêvait d’écrire un livre qu’il puisse signer de son vrai nom. (Elle s’interrompit, secoua la tête.) Si vous aviez bien connu Frank, vous ne l’imagineriez pas allant consulter un cartomancien.

— Vous m’avez bien dit que jamais vous n’auriez imaginé qu’il puisse s’intéresser à la sorcellerie, lui rappelai-je gentiment. Et jamais je n’aurais imaginé que la personne que je vais voir puisse devenir un drogué, et pourtant c’est arrivé. Je crois que je ne conseillerais à aucun ami de se mêler d’occultisme.

Elle détourna le regard.

— Ce n’est pas ce que vous croyez, Robert, dit-elle d’un ton triste. Vous avez vu tant de… mal. Je suppose qu’on ne peut pas vous demander de comprendre.

— J’ai fait votre connaissance, dis-je en caressant son avant-bras avec le dessus de ma main.

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