Une écharde au cœur by Coatmeur J.F

Auteur:Coatmeur,J.F. [Coatmeur,J.F.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Suspence, Policier
Éditeur: Albin Michel
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

À 11 h 50, il logeait la Corolla dans le parking de la maison de retraite.

Nicole le rejoignit alors qu’il se dirigeait vers l’accueil et l’invita à la suivre.

– Allons-y, Gwen. Je connais le chemin.

Un ascenseur ultramoderne les déposa au deuxième étage dans le secteur réservé aux pensionnaires masculins.

– La maison est toute récente, expliqua Nicole. Tu verras, espaces, aménagements intérieurs, mobilier, un confort bien au-dessus de la moyenne. L’encadrement médical est en rapport. Et Guillaume dit que la tambouille tient la route. Ah, je n’y avais pas pensé, c’est l’heure du déjeuner.

En effet, deux femmes de service s’activaient, poussant le long du couloir un chariot à double étage chargé de nourriture, dans des fragrances de viandes en sauce, qui corrigeaient les odeurs de désinfectant.

– C’est pour les malades ou les impotents, expliqua Nicole. Guillaume est déjà sans doute à la salle à manger. Allons tout de même voir d’abord à sa chambre, on n’en est pas très loin, c’est la 49.

Ils remontèrent le corridor. Par les rares portes à demi ouvertes, ils entrevoyaient des pensionnaires au regard vide picorant dans leur lit, certains assistés de membres de leur famille. Un rire de gosse cascadait quelque part, incongru. Puis ce fut une voix de femme furibonde, qui gueulait :

– C’est un scandale !

Très loin, un harmonica invisible trébuchait sur la rengaine nostalgique Loguivy de la mer.

Nicole frappa à une porte et entra aussitôt, suivie de Gwen.

Calé contre deux oreillers dans son lit, en pyjama de laine épaisse à raies crème et grises, Guillaume, qui était en train de lire, releva les yeux.

– Ah, vous voilà ! s’exclama-t-il en toisant les arrivants par-dessus ses lunettes rondes cerclées d’écaille. Je commençais à me demander…

Il accepta les trois bises de Nicole, ouvrit les bras pour une accolade chaleureuse à Gwen. Il se redressa, ôta ses lunettes, referma le livre, un épais volume relié, dont Gwen eut le temps de déchiffrer le titre :

– Guerre et Paix ! s’exclama-t-il, admiratif. Je vois, Guillaume, que vous avez gardé vos excellentes pratiques !

– J’ai vu en fin d’année une bonne adaptation télé. Ça m’a donné envie de relire le bouquin. Avec toujours autant de plaisir. Comment allez-vous ? Approchez-vous, Gwen, que je vous voie. Ça fait si longtemps !

Il l’examina, longuement.

– La coiffure n’est plus la même. Je vous retrouve pourtant, vous n’avez pas changé.

– Croyez-vous ? dit mélancoliquement Gwen.

– Ou si peu ! Lors de ma dernière visite à la prison, dans cet affreux environnement, j’avoue en avoir été moins convaincu.

Une pensée lui traversa l’esprit :

– Vous n’avez peut-être pas déjeuné ?

Nicole et Gwen sourirent.

– Pas encore, dit Nicole, mais ce n’est pas grave. On verra ça plus tard.

– Il y a une ou deux bonnes tables pas très loin d’ici, je vous indiquerai, mais…

Il semblait soudain préoccupé.

– J’aurais aimé fêter nos retrouvailles autour d’un verre, mais c’est impossible, regardez.

Il désignait la petite table et le chevet, où parmi des fioles de médicaments traînaient dans une assiette blanche des miettes de gâteau.

– L’alcool dans les chambres n’est pas en odeur de sainteté à la direction.

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