Un Roman Francais by Frédéric Beigbeder

Un Roman Francais by Frédéric Beigbeder

Auteur:Frédéric Beigbeder
La langue: fr
Format: mobi
Tags: Roman
ISBN: 9782246734116
Éditeur: Grasset
Publié: 2009-01-01T23:00:00+00:00


La science-fiction m’a entraîné vers le polar, les intrigues étant souvent les mêmes : enquêtes, poursuites, quêtes d’identité, rédemptions… Remplacez les combinaisons spatiales par des imperméables gris et le soma de Huxley par le Jack Daniel’s : vous venez de transformer la S-F en roman noir. J’avais une préférence pour James Hadley Chase, même si les couvertures de SAS m’intéressaient pour d’autres raisons ! L’auteur le plus drôle était Carter Brown : l’écriture simple, les dialogues rapides, les descriptions concises et les mots grossiers. Un jour que mon oncle Denis Manuel me voyait lire Carter Brown, il me donna, un verre de scotch à la main, le conseil qui allait révolutionner ma vie : « Lis San-Antonio, moi je ne lis rien d’autre, tout le reste m’emmerde. Arrête de lire des traductions, lis un mec qui parle ta langue : l’histoire on s’en fout, c’est l’auteur qui compte. » Je respectais beaucoup Denis, que je considérais comme l’homme le plus « smart » de ma famille, avec son humour pince-sans-rire, ses cigares et son dos voûté copié sur JFK. Charles Beigbeder Senior croyait en la littérature mais n’avait pas vécu assez longtemps pour me transmettre sa passion ; quant à mon père, il s’interdisait de lire des romans contemporains : pour lui, la littérature s’arrêtait à Dickens et Roger Martin du Gard. Il plaçait la barre trop haut, s’en interdisait l’accès ou le désir. Le déclic est venu du premier mari de ma tante et marraine, Nathalie de Chasteigner. Je me précipitai à la maison de la presse de Guéthary, et sur un tourniquet, trouvai Baise-ball à La Baule. Quel feu d’artifice ! Les digressions libres, les calembours pourris, les apartés à Jean d’Ormesson, Robert Hossein ou François Mitterrand, le délire verbal de Bérurier, les personnages désopilants, obscènes, iconoclastes, tout était rocambolesque mais sonnait vrai, juste, humain. Denis avait raison : dans un roman, l’histoire est un prétexte, un canevas ; l’important c’est l’homme qu’on sent derrière, la personne qui nous parle. A ce jour je n’ai pas trouvé de meilleure définition de ce qu’apporte la littérature : entendre une voix humaine. Raconter une aventure n’est pas le but, les personnages aident à écouter quelqu’un d’autre, qui est peut-être mon frère, mon prochain, mon ami, mon ancêtre, mon double. En 1979, San-Antonio m’a mené à Blondin, puis Blondin m’a conduit à Céline, et Céline à Rabelais, donc à tout l’univers. Un monde s’ouvrait, une galaxie parallèle, accessible de ma chambre. Vous rendez-vous compte par quel hasardeux détour je suis devenu un lecteur de la droite littéraire, comme mon grand-père, sans en avoir parlé avec lui ? Simplement parce que les livres de ces auteurs étaient plus drôles que ceux de Sartre et Camus (ce qui, au passage, est faux : voir Les Mots et La Chute). Je regrette que Denis Manuel soit mort à 45 ans d’un cancer du poumon ; je n’ai pas eu le temps de le remercier d’avoir changé ma vie. Toutes mes angoisses sont de sa faute aussi : il m’a inoculé un virus dont on ne guérit jamais.



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