Un héros de notre temps by Lermontov

Un héros de notre temps by Lermontov

Auteur:Lermontov [Lermontov]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: BRS
Publié: 2011-02-11T00:00:00+00:00


FIN DE LA PRINCESSE MARIE.

III. LE FATALISTE

Il m’arrivait quelquefois de passer quinze jours dans un village cosaque, placé sur le flanc gauche de l’armée ; là se trouvait un bataillon d’infanterie. Les officiers se réunissaient le soir alternativement chez l’un ou chez l’autre et jouaient aux cartes.

Un soir, ennuyés du boston et jetant les cartes sur la table, nous restâmes très longtemps chez le major S…. La conversation, contrairement à l’ordinaire, devint très intéressante. On disait que la croyance mahométane, qui veut que la destinée de l’homme soit écrite aux cieux, trouvait parmi nous beaucoup d’adeptes. Chacun racontait divers faits extraordinaires pour ou contre.

— Tout cela, messieurs, ne prouve rien, dit le vieux major : Sans doute aucun d’entre vous n’a été témoin de ces événements étranges qui confirment une opinion.

— Effectivement, aucun de nous, dirent la plupart. Mais nous avons entendu des hommes dignes de foi…

— Tout cela n’est qu’absurdité ! dit quelqu’un : où sont les hommes dignes de foi qui ont vu le livre sur lequel est écrite l’heure de notre mort ?… Et si, réellement, la prédestination existe, pourquoi la volonté et la raison nous ont-elles été données ?… Pourquoi devons-nous rendre compte de nos actions ? »

À ce moment un officier, assis dans un coin de la chambre, se leva et s’avança lentement vers la table, en jetant tout autour des regards tranquilles et fiers. Il était Serbe de naissance, comme l’indiquait évidemment son nom.

L’extérieur du lieutenant Voulitch répondait tout à fait à son caractère. Sa taille était haute, la couleur de son visage, basanée, ses cheveux bruns, ses yeux noirs et pénétrants, son nez grand, mais bien fait, privilège de sa nation ; un sourire froid et triste errait sans cesse sur ses lèvres. Tout cela s’accordait pour le présenter comme un être particulier, incapable de partager les pensées et les passions de ceux que le sort lui avait donnés pour compagnons.

Il était brave, discutait peu, mais vivement, et ne confiait à personne ses secrets de famille ainsi que ceux de son âme. Il ne buvait presque pas de vin. Quant aux jeunes filles cosaques dont le charme est difficile à comprendre pour celui qui ne les a jamais vues, il ne leur faisait jamais la cour. On disait cependant, que la femme du colonel n’était pas indifférente à son regard plein d’expression ; mais il se fâchait réellement, lorsqu’on faisait quelque allusion à cela.

Il n’y avait qu’une passion dont il ne se cachait point : c’était la passion du jeu. Devant un tapis vert, il oubliait tout et perdait habituellement ; mais sa mauvaise chance continuelle excitait son entêtement. On racontait que pendant une nuit d’expédition où il jouait sur son oreiller et était assez favorisé par la chance, tout à coup des coups de feu retentirent ; on battit l’alarme et tous s’élancèrent et coururent aux armes : « Faites la banque ! » cria Voulitch sans se lever, à un des pontes les plus ardents. « Va pour le sept ; répondit celui-ci en s’enfuyant.



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