Un caprice du néant - L'univers et ses merveilles by Stefan Klein

Auteur:Stefan Klein [Klein, Stefan]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science, Essays, Physics, Astrophysics, Quantum Theory, Earth Sciences, General
ISBN: 9782100803712
Éditeur: Dunod
Publié: 2019-09-17T22:00:00+00:00

Il existe deux possibilités. La première : les lois connues de la gravitation sont fausses ; la gravité a plus d’effet qu’on le pensait à grande distance, Einstein, et Newton avant lui, se sont trompés. Une minorité d’astrophysiciens le croient vraiment. Personnellement, je ne suis pas convaincu. La loi de la gravitation a fait ses preuves dans toutes les circonstances. Pour l’abandonner, il faudrait pouvoir proposer une alternative plus efficace. Or, personne n’en connaît.

De plus, il existe une seconde possibilité, beaucoup plus simple, pour expliquer la forte déviation de la lumière par des objets tels qu’Abell 1689 : la loi de la gravitation est juste, mais Abell 1689 contient beaucoup plus que ce que nous voyons. Les étoiles ne constituent qu’une petite partie de la masse rassemblée dans cet amas de galaxies. C’est l’hypothèse à laquelle croient la majorité des astrophysiciens, et j’en fais partie. Abell 1689 doit donc être composé en majeure partie de substances qui n’émettent aucune lumière ni aucun autre rayonnement : de la matière noire.

C’est la gravitation, en déviant les rayons lumineux, qui trahit la présence de matière noire. La puissance de la loupe cosmique, la forme des anneaux lumineux inexplicables par ailleurs et les mirages gravitationnels permettent de calculer où cette masse invisible se cache. Chacune des galaxies de l’amas Abell 1689 est ainsi entourée d’un halo de matière noire, une sorte de nuage qui pèse dix fois, cent fois, voire mille fois plus lourd que toutes les étoiles réunies. Et enfin, l’ensemble de l’amas est lui aussi entouré d’un halo de matière noire.

C’est à ce nuage qu’Abell 1689 doit son existence. Sans lui, l’amas de galaxies se serait dissout depuis longtemps, peut-être même n’aurait-il jamais existé. Les galaxies qui composent Abell 1689 se déplacent si vite les unes par rapport aux autres qu’elles subissent des forces centrifuges énormes. Si le nuage de matière noire ne les maintenait pas par sa gravité, elles se seraient dispersées depuis longtemps dans toutes les directions de l’espace. Même la galaxie qui dessine la Croix d’Einstein sur le ciel étoilé est composée à 90 % de matière noire.

Et il en va de même dans tout l’Univers. C’est seulement parce que la matière noire assure la cohésion de la matière lumineuse qu’il existe des structures dans l’espace. La matière noire est le ciment cosmique. Chaque galaxie, y compris la nôtre, en est entourée. En 2014, les astronomes ont fini par découvrir les premières galaxies noires. La Voie lactée a une jumelle obscure dans l’espace : celle-ci se trouve dans la constellation de la Chevelure de Bérénice et possède les mêmes dimensions que notre galaxie, mais se compose presque exclusivement de matière noire.

La matière noire ne s’étend pas seulement autour des galaxies lumineuses, mais forme ses propres structures et remplit l’espace intergalactique. Comme des fleurs de chantilly sur une immense tarte au chocolat, les objets lumineux semblent posés sur la matière noire. Tout ce que nous voyons dans le ciel n’est-il que de la décoration ?

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