Trick Baby by Iceberg Slim

Auteur:Iceberg,Slim [Iceberg,Slim]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782823601299
Éditeur: Editions de l'Olivier

12

« Belle Vie »

Blue avait raison. Les Japonais firent de Pearl Harbor un tas de cendres des tropiques le 7 décembre 1941.

Blue et moi on prenait un petit déjeuner tardif quand le délicieux invalide de la Maison-Blanche prit la parole sur les ondes de la nation. Il lut la déclaration de l’Amérique qui avait décidé d’entrer dans sa deuxième guerre mondiale.

Blue dit : « Tu vois, Folks ? Je te l’avais dit que l’Amérique connaîtrait le bain de sang. Mais ce toubib te permet de t’en tirer. Je suis content que tu ne sois pas un de ces jeunes abrutis qui se portent volontaires dès qu’ils entendent l’arnaque de la musique militaire et voient la vieille bannière glorieuse claquer dans le vent. »

Cette nuit-là, au lit, j’écoutai les nouvelles et la musique guerrière.

Et je pensais : « Après tout, l’Amérique est mon pays. Je devrais peut-être en parler avec Blue. Tout le monde ne se fait pas tuer dans une guerre. Je suis jeune. Je pourrais convaincre Blue que je dois m’enrôler tout de suite. Je crois que les volontaires ont des perms qu’on ne donne pas aux appelés. J’irai faire mon devoir et je serai sorti de l’armée sans avoir eu le temps d’en souffrir. Je ne suis pas un lâche. Et, avec mon cerveau agile, l’armée fera de moi un officier. Je pourrai raconter des histoires à un gradé haut placé et devenir son compagnon d’armes. »

Puis je me souvins de ce que Blue m’avait expliqué : l’armée de nègres, où on m’enverrait parce que ma mère était noire. Je ferais mieux d’éviter ça. Ces soldats noirs, dont la plupart viendraient des profondeurs du Sud, feraient de ma vie un enfer à cause de ma peau blanche. Je serais plus seul que je n’avais jamais été. Blue voyait juste.

Environ six mois après Pearl Harbor, Blue et moi on était à la table du petit déjeuner, il me passa un journal ouvert. Mes yeux suivirent son index. Je lus les deux paragraphes de l’article.

Blue dit : « T’as vu la chance qu’on a ? Horace J. Sweeney a pris sa retraite des services de la police de Chicago pour aller dans le privé. On peut retourner dans le Loop et faire la moisson jusqu’à plus soif. Si je savais où il habitait, je lui enverrais une caisse de champagne pour fêter son départ à la retraite. »

Je dis : « Je me demande ce que peut bien faire dans une entreprise un vieux mec comme lui ? »

Blue dit : « Sa cervelle tourne encore. N’importe quelle boîte serait contente de l’avoir pour garder un œil sur les employés. Pendant presque trente ans Sweeney a été sur le terrain. Il connaît tous les trucs. C’est du gâteau pour lui que d’épingler des pauv’ cons d’ouvriers malhonnêtes. »

Le conseil de révision me convoqua pour la visite médicale au printemps de 1942. Une heure avant la visite je pris un des cachets que m’avait donnés le toubib.

Le médecin militaire appuya son stéthoscope contre ma poitrine, prit ma pression sanguine et hocha tristement la tête.

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