Tout le bonheur du monde by Claire Lombardo

Tout le bonheur du monde by Claire Lombardo

Auteur:Claire Lombardo [Lombardo, Claire]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Rivages
Publié: 2020-01-16T12:34:55+00:00


1996

Gillian Levin avait sauvé la vie de son épouse, ce qui plaçait leur relation sur un tout nouveau plan, entre collégialité et amitié. Un soir, elle surgit dans son bureau étonnamment vêtue d’un petit blouson de moto.

« Tu pars ? » demanda-t-elle.

Il posa la main sur le fermoir de sa mallette.

« Pas tout de suite.

– J’allais sortir dîner quelque part. Tu n’aurais pas envie de m’accompagner, par hasard ? »

Il lâcha le fermoir.

« De t’accompagner ?

– Aucune obligation. »

Elle lui sourit, et il se sentit rougir. Il passait sa vie en compagnie de femmes, mais aucune d’elles, pas même la sienne, en tout cas pas ces derniers temps, ne le regardait jamais de cette manière. Ils avaient une aînée perturbée et trois cadettes qui exigeaient beaucoup d’attention. Ils avaient repris leur vie comme des soldats blessés de retour de la guerre qui clignent des yeux dans cette lumière du soleil dont ils ont été longtemps privés. David ne s’était jamais senti aussi loin de Marilyn.

« Oui, bien sûr. Je dois juste passer un coup de fil.

– Prends ton temps. Je vais fermer la réserve à matériel. »

Marilyn et lui venaient de passer des mois épuisants à gérer les consultations médicales de Wendy, ses repas, le nombre de fois où elle quittait la maison, ses visites aux toilettes (debout derrière la porte dans la crainte d’entendre un bruit de vomissement, ce qui s’apparentait à une sorte de viol). Depuis des mois, ils se passaient Gracie de bras en bras en s’incitant mutuellement à ne pas oublier Liza et Violet, forçant leur enthousiasme quand Violet remporta un nébuleux prix trapèze pour son devoir sur Paradis perdu d’Hemingway, et lorsque, contre toute attente, Liza intégra l’équipe de water-polo. Depuis des mois, ils s’effondraient dans leur lit et s’endormaient sans jamais se toucher. Leurs interactions n’avaient rien d’hostile, mais ils n’échangeaient plus qu’au sujet des filles, du chien et de la maison, ce qui inquiétait David. Ils avaient traversé tant d’années en se serrant les coudes que rien ne l’avait préparé à cette situation, cette illusion de normalité quand tout allait mal.

Gillian crut sans doute qu’il appelait Marilyn. En réalité, il contacta la clinique où, depuis quelque temps, il se portait volontaire pour des gardes en soirée, et déclara qu’une urgence au cabinet l’empêchait de venir.

Il choisit une table près de la vitre pour bien montrer qu’il n’avait rien à cacher. Il avait le droit d’aller dîner avec une collègue. Ce n’était pas parce que leur vie sociale en couple était réduite à presque rien que David n’avait pas le droit d’avoir une amie. Gillian se lança dans un long récit sur son frère, un présentateur télé à Cincinnati, et David tenta de s’y intéresser.

« C’est dur, dit Gillian, de rester dans son ombre, alors qu’on est tous les deux adultes, maintenant. Mais j’imagine que c’est un grand classique de la rivalité entre frère et sœur. Tu es bien placé pour le savoir, non ?

– Je suis fils unique », déclara-t-il.

Elle sourit.

« Je parlais de tes filles.



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