The Night by Rodrigo Blanco Calderón

The Night by Rodrigo Blanco Calderón

Auteur:Rodrigo Blanco Calderón [Calderón, Rodrigo Blanco]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 978207014970
Éditeur: Gallimard
Publié: 2016-05-18T16:00:00+00:00


Antón Parra réussit à faire quitter l’appartement de la rue Mazarine à Belén. Ce fut alors, au cours du printemps 1964, que Victor Teixeira fit son apparition dans la ville et occupa la chambre de Belén. Cette fois-ci, ce fut Darío lui-même qui l’invita à venir habiter avec lui. Il le raconta à Antón, soulignant la différence d’avec Belén, sans prendre conscience que, de nouveau, quelqu’un d’étranger s’était introduit dans son appartement et que, de nouveau, à lui, Antón, le véritable locataire, on n’avait rien demandé.

Darío le présentait dans les cafés et les réunions comme un vieil ami. Personne ne le connaissait, ni à Paris ni à Caracas. Quelqu’un dit qu’il venait de la RDA, mais Siddharta Arrecho, qui avait fait des études de cinéma à Leipzig, nia l’avoir vu même une seule fois de ce côté-là. Quand on apprit qu’en réalité il avait vécu presque vingt ans dans différentes villes et villages des États-Unis, la méfiance augmenta.

Victor Teixeira était poète. Le meilleur poète vénézuélien depuis Salustio González Rincones, affirmait Darío, mais personne dans le groupe ne savait s’il le disait sérieusement ou uniquement pour provoquer. Comme Darío, Teixeira avait l’air d’un poète sans œuvre et cette condition lui conférait aussi une auréole de possibilités.

Ensuite, les rumeurs proliférèrent dans tellement de directions exotiques que Victor Teixeira devint quasiment une attraction de foire. On dit qu’il était ami intime des écrivains de la Beat Generation ; on dit que Jack Kerouac lui-même le mentionnait dans Sur la route ; on dit qu’il avait dû s’enfuir des États-Unis après avoir tué sa femme ; on dit qu’il avait dans ses bagages, dans un bocal plein de formol, le cerveau de sa femme morte.

Quelqu’un prit la peine de relire avec attention le roman de Kerouac, et, en effet, vers la fin, il avait trouvé mention d’un poète vénézuélien, qui s’appelait Victor Villanueva, et d’une fille, pleine de fric, vicieuse et folle, que le narrateur (entre parenthèses, Jack Kerouac) appelait « Venezualla ». Des éléments bien intéressants, mais pas du tout concluants pour établir que ce Villanueva était en réalité Teixeira{3}.

Ce qui est certain, c’est que Victor Teixeira et Darío Mancini vivaient ensemble et allaient partout ensemble, et il y eut plus d’un poète malveillant pour insinuer qu’il y avait autre chose, ce que personne dans le fond ne croyait, mais que l’on se contentait de répéter ou d’accepter avec un silence complice, car tout le monde, d’une manière ou d’une autre, participait au harcèlement.

Après la balade au Père-Lachaise, Darío et Antonieta s’éloignèrent l’un de l’autre. Comme un sceau qui cachetait ses intuitions, Antonieta reçut une carte postale que Darío laissa à la réception de l’hôtel. C’était une reproduction du Radeau de la Méduse, avec une étrange note manuscrite qui disait : « Théodore Géricault : L’orage déchire tout. »

Elle ne s’était donc pas trompée. Mais quel sens avait tout cela ? Pourquoi cette soudaine reconnaissance et pourquoi l’urgence à déboulonner l’espoir ?

Darío commença à vivre avec ce personnage si étrange, Teixeira, et elle, eh bien, elle avait au moins fait la connaissance de Nicolás.



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