The LP Collection by Laurent Schlittler & Patrick Claudet

The LP Collection by Laurent Schlittler & Patrick Claudet

Auteur:Laurent Schlittler & Patrick Claudet [Claudet, Laurent Schlittler & Patrick]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782360541423
Éditeur: Le Mot Et Le Reste
Publié: 2014-09-17T16:00:00+00:00


32. Katalov – Radiatormania

Torn To Pieces (Kiev, Ukraine, 2012)

electroclash

L’effondrement de l’Ukraine en 2014 jette un éclairage nouveau sur cet album publié deux ans plus tôt par Inna Kostyantynivna et Tatyana Wanczycki, deux ex-Femen reconverties dans l’electroclash avec la volonté de railler la « mazhory », terme argotique désignant la jeunesse dorée ukrainienne qui parade sur Khreshchatyk, la rue centrale de Kiev. À la sortie de leur disque autoproduit et publié sous un label dont le nom prend aujourd’hui une dimension prophétique – Torn To Pieces, qui signifie littéralement « déchiré en morceaux » –, Kostyantynivna et Wanczycki avaient livré une série de concerts sauvages dans les rues de la capitale en exhortant les passants à regagner leur dignité, et à se préserver de la déliquescence des valeurs morales. Toutes deux issues de la classe ouvrière, elles arboraient alors des tenues et accessoires de mode de grands couturiers qu’elles avaient détournés à coups de ciseau et de patch trash, agrafant un phallus sur un tailleur Versace, une tête de mort sur un sac Vuitton ou un majeur tendu sur un chandail Chanel. Cette perversion des signes extérieurs de richesse, miroir déformant d’une société consumériste jugée à bout de souffle, symbolisait leur dégoût pour une clique de descendants d’apparatchiks corrompus ou d’industriels véreux buvant le champagne à la paille dans les discothèques de Kiev. Une critique sociale née de leur engagement au sein des Femen, à l’époque où elles trimballaient leur frimousse de zibeline et leurs seins nus dans le sillage d’Anna Hutsol, mais qui s’était radicalisée depuis qu’elles avaient quitté en 2011 le mouvement de manière irrévocable, écœurées par la misogynie de Viktor Sviatski, éminence grise et fondateur des Femen. Loin des riffs cinglants de Pussy Riot, l’univers de Katalov est un savant collage de cold wave pour les paroles aux accents crépusculaires qui sondent les entrailles de Kiev à la manière d’un Dostoïevski contemporain, et de technopop pour les arrangements fougueux et joyeux rappelant Yellow Magic Orchestra et The Plastics. Reprenant le mot du rappeur Jack Parrow pour décrire le mouvement contre-culturel sud-africain Zef, un fanzine ukrainien avait présenté le disque en des termes certes contradictoires – « un peu chic et le contraire de chic » –, mais qui résumaient la démarche de ces deux musiciennes autodidactes aux intuitions fulgurantes. Leur coup de génie est sans conteste la reprise de l’hymne national ukrainien ponctuant l’album, un morceau sublimé par un Minimoog Voyager et les voix de contralto de Kostyantynivna et Wanczycki, qui, le temps d’une plage apaisée, renouent avec leur innocence d’enfant et disent leur amour pour un pays aujourd’hui en sursis. Certains racontent que, au plus fort de la contestation contre le président Ianoukovitch, juste avant que les forces de l’ordre ne lancent l’assaut contre Maïdan où de nombreux manifestants allaient périr, Katalov a interprété ce titre devant les barricades, imposant brusquement le silence et rappelant le pouvoir subversif de la musique.



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