Théâtre complet. Tome premier by Marivaux ; texte établi par Frédéric Deloffre

Théâtre complet. Tome premier by Marivaux ; texte établi par Frédéric Deloffre

Auteur:Marivaux ; texte établi par Frédéric Deloffre [Deloffre, Marivaux ; texte établi par Frédéric]
La langue: fra
Format: epub
Tags: sensible et badin, Tout à la fois charmant et profond, le théâtre de Marivaux est un inlassable paysage ; tout y fait mouche.
Éditeur: eBooksFrance
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


* * *

Scène III

Trivelin, Cléanthis ; esclave, Euphrosine, sa maîtresse.

Trivelin. - Ah ça ! ma compatriote, car je regarde désormais notre île comme votre patrie, dites-moi aussi votre nom.

Cléanthis, saluant. - Je m'appelle Cléanthis, et elle, Euphrosine.

Trivelin. - Cléanthis ? passe pour cela.

Cléanthis. - J'ai aussi des surnoms ; vous plaît-il de les savoir ?

Trivelin. - Oui-da. Et quels sont-ils ?

Cléanthis. - J'en ai une liste : Sotte, Ridicule, Bête, Butorde, Imbécile, et caetera.

Euphrosine, en soupirant. - Impertinente que vous êtes !

Cléanthis. - Tenez, tenez, en voilà encore un que j'oubliais.

Trivelin. - Effectivement, elle vous prend sur le fait. Dans votre pays, Euphrosine, on a bientôt dit des injures à ceux à qui l'on en peut dire impunément.

Euphrosine. - Hélas ! que voulez-vous que je lui réponde, dans l'étrange aventure où je me trouve ?

Cléanthis. - Oh ! dame, il n'est plus si aisé de me répondre. Autrefois il n'y avait rien de si commode ; on n'avait affaire qu'à de pauvres gens : fallait-il tant de cérémonies ? Faites cela, je le veux ; taisez-vous, sotte ! Voilà qui était fini. Mais à présent il faut parler raison ; c'est un langage étranger pour Madame ; elle l'apprendra avec le temps ; il faut se donner patience : je ferai de mon mieux pour l'avancer.

Trivelin, à Cléanthis. - Modérez-vous, Euphrosine. (A Euphrosine.) Et vous, Cléanthis, ne vous abandonnez point à votre douleur. Je ne puis changer nos lois, ni vous en affranchir : je vous ai montré combien elles étaient louables et salutaires pour vous.

Cléanthis. - Hum ! Elle me trompera bien si elle amende.

Trivelin. - Mais comme vous êtes d'un sexe naturellement assez faible, et que par là vous avez dû céder plus facilement qu'un homme aux exemples de hauteur, de mépris et de dureté qu'on vous a donnés chez vous contre leurs pareils, tout ce que je puis faire pour vous, c'est de prier Euphrosine de peser avec bonté les torts que vous avez avec elle, afin de les peser avec justice.

Cléanthis. - Oh ! tenez, tout cela est trop savant pour moi, je n'y comprends rien ; j'irai le grand chemin, je pèserai comme elle pesait ; ce qui viendra ; nous le prendrons.

Trivelin. - Doucement, point de vengeance.

Cléanthis. - Mais, notre bon ami, au bout du compte, vous parlez de son sexe ; elle a le défaut d'être faible, je lui en offre autant ; je n'ai pas la vertu d'être forte. S'il faut que j'excuse toutes ses mauvaises manières à mon égard, il faudra donc qu'elle excuse aussi la rancune que j'en ai contre elle ; car je suis femme autant qu'elle, moi. Voyons, qui est-ce qui décidera ? Ne suis-je pas la maîtresse une fois ? Eh bien, qu'elle commence toujours par excuser ma rancune ; et puis, moi, je lui pardonnerai, quand je pourrai, ce qu'elle m'a fait : qu'elle attende !

Euphrosine, à Trivelin. - Quels discours ! Faut-il que vous m'exposiez à les entendre ?

Cléanthis. - Souffrez-les, Madame, c'est le fruit de vos oeuvres.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.