Tango parano by Le Corre Hervé

Tango parano by Le Corre Hervé

Auteur:Le Corre, Hervé [Le Corre, Hervé]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Atelier In8
Publié: 2005-10-03T19:40:28+00:00


20

Il me semble que je dormis pendant trois jours. Ou plutôt que je demeurai plongé, au sein d’un crépuscule permanent, dans une léthargie profonde proche de l’hibernation de l’ours pyrénéen. J’allai sans doute satisfaire en somnambule quelques besoins naturels, car je ne retrouvai mon grabat souillé d’aucun immondice.

Je crois que mes fantômes vinrent me tenir compagnie et que je saisis dans mon sommeil leurs mains gelées et que je pris contre moi leurs corps glacés pour les réchauffer de ce qui me restait d’énergie vitale. Peut-être leur parlai-je, du fond des limbes où j’étais accablé. Je ne garde aucun souvenir précis de ces dialogues de morts.

Ce sont d’autres voix, plus rudes et plus réelles, hélas, qui me ramenèrent du côté des vivants. Je résistai quelques instants à l’envie d’ouvrir les yeux et de revenir dans une existence qui désormais ne m’apportait plus rien, puisque tout ce à quoi j’essayais de m’accrocher se pulvérisait entre mes doigts. Je n’étais plus capable que de me laisser abuser par les illusions et les artefacts qu’on dressait autour de moi (ou que mon propre esprit se plaisait à construire), ou bien de sombrer dans le néant chaotique de la mort.

Une lumière violente vint pourtant déchirer la nuit bienheureuse dans quoi je sombrais doucement et une série de gifles ranima les terminaisons nerveuses de mon masque mortuaire. Puis un flot d’eau glacée me fit bondir et pousser un cri de désarroi et de colère.

J’aperçus alors au-dessus de moi une mine patibulaire, congestionnée par l’effort fourni pour maîtriser l’agitation convulsive qui s’était emparée de mon corps. Je trouvai assez de force pour bondir sur mon agresseur et parvins à le renverser, grâce à l’effet de surprise qui commande souvent l’issue des batailles, puis, à califourchon sur lui, j’enfonçai mes pouces dans ses orbites, espérant vivement voir éclater les globes oculaires pour en éteindre définitivement l’éclat dément qui m’avait terrifié quelques secondes plus tôt.

Mais, soit que mes trois jours de confusion morphique m’eussent affaibli, ou que mes prédispositions aux actes barbares manquassent de conviction, je sentis mes mains faiblir, mes doigts déraper et, surtout, un coup violent porté derrière ma nuque fit éclater dans mon cerveau une pyrotechnie digne des meilleurs artificiers mais douloureuse, qui me jeta sur le flanc, un objet dur et long calé dans une narine.

— Puta de tu madre ! hurla le tueur, les yeux rougis et larmoyants par ma vaine tentative de les réduire en bouillie.

— Il arrête, oui, de faire le con ? clama une voix hors de mon champ de vision qui pour l’instant n’était occupé que par le barillet noir d’un revolver de fort calibre.

Dans mon cerveau, où la douleur des coups reçus produisait encore quelques fusées éclairantes, la lumière, quoiqu’intermittente, me permit de comprendre à qui j’avais affaire : l’affligeant Cassignol, contrôlé de justesse par Cousin, son maître-chien, s’apprêtait à fouiller mes sinus du canon de son arme en m’insultant dans la langue de Cervantès. Une claque bruyante assénée sur le haut de ce crâne obtus tordit son



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