Surréal 3000 by Suzanne Martel

Auteur:Suzanne Martel
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782762595925
Éditeur: ÉDitions Héritage Inc.
Publié: 2019-04-30T00:00:00+00:00

Chapitre 9

Eric et Paul, spéléologues

Une demi-heure plus tard, nous retrouvons Paul et Eric dans une galerie qui s’enfonce en pente raide vers les entrailles de la terre. L’aîné, chargé de son lourd havresac, ouvre la marche et le plus jeune le suit, d’un pas moins sûr mais décidé. Il porte un léger canot pneumatique et deux avirons de bois, prêtés généreusement par l’ami-surveillant.

Ils progressent rapidement, suivant un itinéraire que Paul connaît bien. Ils contournent une crevasse profonde d’où mugit un torrent souterrain.

Paul indique le fond du gouffre :

– C’est toujours notre point de départ dans les excursions que nous faisons avec mon père.

En effet, le Docteur 15 P 9 amène souvent ses fils dans des expéditions de camping à travers les dédales souterrains et ces derniers sont devenus experts dans la manœuvre des bateaux à fond plat qui conviennent à cette étrange navigation. Rien ne rapproche tant le père et ses deux fils que ces longues randonnées dans le monde féerique des cavernes où des rivières noires glissent sans un clapotis entre les parois éclairées un instant par l’œil lumineux des lampes. Quelquefois les frêles embarcations sont emportées comme des fétus par le courant rapide qui annonce l’approche d’un torrent. Les dangers sont d’ailleurs signalés par une croix blanche sur la paroi et ces avertissements marquent seuls le passage de l’homme dans ces abîmes obscurs dont chacun aime se croire le découvreur.

Pour ne rien enlever à l’imprévu de ces pérégrinations répétées depuis des générations. aucune carte officielle n’a jamais été émise et c’est à la boussole et à l’altimètre que chaque voyageur retrouve son chemin ou guide ses amis. Et, par un accord tacite, personne ne répond jamais : « je sais, j’y suis allé », aux descriptions enthousiastes des explorateurs néophytes.

Lorsque le hasard de leur course les fait déboucher brusquement dans la Prairie Fantôme, Paul, familier de l’endroit, écoute amusé les exclamations de son jeune ami.

Devant leurs yeux se déroule une longue grotte au sol couvert d’une incroyable végétation dont chaque herbe, chaque brin est blanc ou translucide. Un courant d’air fait frissonner ces pousses albinos et un ruisselet qui gazouille complète ce paysage champêtre où nul oiseau jamais ne chantera.

– Paul ! Paul ! D’où viennent ces plantes ?

– Ce sont des débris de gazon et de racines qui furent charriés de la surface il y a des siècles par les torrents et qui ont germé ici.

– Mais ma préhistoire décrit seulement des plantes vertes.

– À leur lieu d’origine, elles devaient l’être. Mais elles ont poussé dans l’obscurité et c’est le soleil qui donne la chlorophyle aux plantes.

– Si elles viennent de l’extérieur, ne sont-elles pas dangereuses ?

Eric partage la méfiance innée de sa race pour tout ce qui a respiré l’air empoisonné.

– Tu penses bien qu’on a vérifié avant de laisser quiconque s’approcher. On dit même que les premiers découvreurs de la Prairie Fantôme ont eu une fière peur. Ils se sont crus atteints par des radiations et se préparaient à ne jamais retourner à la Cité pour éviter de contaminer les autres.

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