Sur la religion by Rémi Brague

Sur la religion by Rémi Brague

Auteur:Rémi Brague [Brague, Rémi]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Philosophie, Essai
ISBN: 9782081429987
Éditeur: Flammarion
Publié: 2018-01-15T23:00:00+00:00


d) Le concept de la divinité qui repose au fond du droit naturel inclut en effet la nature, comme l’ensemble des êtres créés, et avec lui la nature de l’homme comme être vivant doué de raison, animal rationnel. C’est pourquoi les systèmes juridiques occidentaux ont pu combiner les diverses possibilités de fournir une fondation du droit et les ordonner en des proportions chaque fois différentes, comme dans le « Traité des lois » de saint Thomas d’Aquin23.

En revanche, la représentation de la divinité qui est présupposée par la loi divine exclut le concept de nature. L’islam, qui a développé la forme la plus achevée de législation divine, ne connaît pas le concept d’une loi naturelle et ne peut pas le connaître. Bien entendu, il arrive que l’on cherche une approche au concept de nature du côté de l’idée islamique d’une « disposition innée » vers Dieu (fiṭra)24. Cependant, cet élément quasi « naturel » a pour fonction de subvertir ce que nous désignerions comme la « nature » plutôt que de l’établir. En effet, l’homme est censé être spontanément musulman, parce que l’islam est défini comme la « religion innée » (dīn al-fiṭra) de l’homme. C’est ce qu’a encore récemment redit la Déclaration des droits de l’homme en islam proclamée au Caire en 1990, pour en tirer l’interdiction de pousser un musulman à changer de religion25. Selon un hadith célèbre, tout homme naît selon cette disposition, et ce sont seulement ses parents qui en font un chrétien, un juif ou un zoroastrien26. L’enfant n’a nul besoin d’être fait musulman. Il l’est déjà de toute façon. Le Coran connaît en effet un « prologue au ciel » sous les espèces de la scène dans laquelle il est raconté comment la totalité de la progéniture d’Adam, miraculeusement tirée de ses reins en un instant, reconnaît unanimement la seigneurie d’Allah (VII, 172).

C’est pourquoi l’islam ne connaît pas un sacrement d’initiation comme le baptême, parce qu’il n’en a pas besoin. Pour entrer dans la « nation » (umma), il suffit de la confession de foi (šahāda), laquelle ne fait que ratifier la reconnaissance pré-éternelle de la seigneurie de Dieu. De la sorte, pourrait-on dire, l’islam connaît bien une sorte de confirmation, mais pas de baptême. Celui-ci est inutile, car il est toujours déjà là. Comme exemple d’une conséquence pratique de cet état de choses : un enfant trouvé est considéré comme musulman et est éduqué comme tel, aussi longtemps que ses parents, s’ils appartiennent à une autre confession tolérée, ne viennent pas le réclamer.

Une autre conséquence, plus importante, est l’universalité potentielle de la force obligatoire de la šarī‛a, dont la revendication de souveraineté s’étend à la totalité de l’humanité.

C’est ce qui la distingue de la loi juive, qui ne vaut que pour les juifs. Les « gentils » (goyim) des « nations du monde » (ummōt ha-‛ōlam) ne sont tenus qu’à observer les sept préceptes élémentaires donnés à Noé au sortir de l’arche27. Il est même explicitement énoncé que c’est la fonction propre de



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