Staline et les Juifs by Arkadi Vaksberg

Staline et les Juifs by Arkadi Vaksberg

Auteur:Arkadi Vaksberg
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2016-04-10T16:00:00+00:00


9. À liquider sur-le-champ

La décision que Staline se préparait à prendre n’avait pas encore acquis sa forme définitive. Ce qui était certain, c’est qu’elle « prenait appui sur l’antisémitisme, non par l’effet du hasard, mais dans le cadre d’une stratégie à long terme en politique intérieure et étrangère258. »

C’est l’opinion exprimée par Vladimir Naoumov, éminent spécialiste de l’histoire contemporaine de la Russie, et je ne peux que m’y rallier sans réserve. La Loubianka humait le vent qui soufflait du Kremlin et construisait son scénario en conséquence. D’autant que la direction du vent agréait parfaitement à Abakoumov, même si ce serviteur empressé eût suivi n’importe quelle autre, du moment qu’elle était tracée par son chef. Fidèle à sa mission, la Loubianka ne pouvait se contenter de dénoncer les dangers du « nationalisme juif », encore fallait-il les habiller d’activités d’espionnage mettant gravement en péril la sécurité du pays.

Au centre du scénario promptement élaboré en ce sens se trouvaient deux journalistes juifs américains, Peissah Novik et Bentzion Goldberg. Dans leur pays, ils étaient étiquetés comme gauchistes et soupçonnés de relations occultes avec les services secrets soviétiques. Vétéran du mouvement ouvrier, Novik militait au parti communiste depuis 1921, dans sa fraction la plus prosoviétique ; il était rédacteur au Morning Freiheit, le journal des communistes juifs américains spécialisé dans l’éloge de la politique stalinienne des nationalités » ; Goldberg, justement, était l’auteur de la plupart de ces dithyrambes. À son retour d’un voyage en 259

URSS, il avait publié des reportages dans Morning Freiheit et d’autres journaux de gauche. Il y chantait la gloire de Staline, de l’« amitié des peuples » et plus généralement de tout ce qu’il était convenu d’appeler la vie soviétique. C’est le CAJ qui lui avait confié le matériel nécessaire à la propagande, non sans l’aval de la censure militaire et d’une foule de fonctionnaires et d’instances. Désormais, tel était le plan de la Loubianka : faire croire que ce matériel contenait des renseignements ultraconfidentiels afin d’imputer le grief d’espionnage non aux censeurs et aux avaliseras, mais aux dirigeants et aux collaborateurs du CAJ.

De son côté, le contre-espionnage américain soupçonnait – non sans d’excellentes raisons – Novik et Goldberg (membres du comité américain partenaire du CAJ) de contacts étroits avec la Loubianka, alors que celle-ci les décrivait au Kremlin comme des agents avérés de la CIA. Ils étaient en effet les seuls Américains à avoir visité l’Union soviétique et à entretenir des relations avec Mikhoels et ses compagnons. Ainsi, selon le scénario de la Loubianka, Novik et Goldberg, insatisfaits de ce qu’on leur faisait parvenir par les filières officielles, avaient l’intention de venir à Moscou pour se livrer à leurs activités d’espions.

Auparavant, et dans un tout autre contexte, la Loubianka avait mené une enquête (une « analyse », dans le jargon maison) sur une autre histoire d’« espionnage » dans laquelle étaient impliqués les parents de Nadejda Allilouiev, la défunte épouse de Staline. L’attention soutenue des « organes » du parti s’était portée sur la belle-famille de son chef que celui-ci, depuis un certain temps, s’était mis à détester cordialement.



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