Sous la pluie by Jojo.Moyes

Auteur:Jojo.Moyes [Jojo.Moyes]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782253108801
Éditeur: Jean-Claude Lattès
Publié: 2007-06-30T22:00:00+00:00

Après avoir franchi le plus haut obstacle du monde, cela paraissait injuste qu’elle soit contrainte de passer un temps fou à frotter les pattes de son cheval pour ôter la boue, à nettoyer la sellerie, à cirer ses bottes alors qu’elle avait affreusement mal partout, qu’on aurait dit qu’on l’avait battue avec une barre métallique tant ses os étaient douloureux et qu’elle avait tellement froid que ses doigts étaient tout engourdis et mous comme des chipolatas pas cuites. Mais Joy avait été on ne peut plus claire.

— Ton cheval passe d’abord. Il t’a servie toute la journée. Le moins que tu puisses faire, c’est de le bichonner bien comme il faut.

Quand elle eut finalement enlevé toute la gadoue – et la gadoue irlandaise, elle le savait maintenant, et c’était franchement exaspérant, avait le don de s’immiscer partout –, elle avait presque les pieds sur terre après l’euphorie de la chasse. Elle se sentait transie, toute raide, et c’était elle qui avait besoin d’un bon massage et d’un mélange bien chaud de son et de mélasse (ça sentait si bon qu’elle avait goûté. On aurait dit de la doublure de tapis !). Malheureusement, Joy avait choisi ce moment-là pour descendre dans la remise aux chaussures et l’informer, d’un ton qui s’apparentait presque à une excuse, qu’à cause d’un problème de plomberie, il n’y aurait pas suffisamment d’eau chaude pour qu'elle puisse prendre un bain.

— Tu plaisantes, avait rétorqué Sabine, sur le point d’éclater en sanglots.

La pensée de se débarrasser de ses vêtements trempés dans cette chambre humide pour enfiler une autre tenue tout aussi glacée était trop déprimante.

— Non, répondit Joy. Mais j’ai parlé avec Annie. Elle n’a pas de clients ce soir et tu peux aller prendre un bain là-bas si tu le souhaites.

Elle ébaucha un sourire en allant fermer la porte.

— Tu n’as quand même pas cru que j’allais te laisser faire toute une journée de chasse sans un bon bain au bout du compte, si ? C’est presque ce qu’il y a de meilleur.

Sabine lui avait rendu son sourire en s’interrogeant intérieurement sur l’étrange sens de l’humour de sa grand-mère, après quoi elle avait couru à l’étage chercher sa serviette et son shampoing. Un bain chez Annie ! De l’eau chaude illimitée ! Du savon sans grosses fissures grisâtres ! Pas de sprint glacé à claquer des dents de la salle de bains à sa chambre ! Sabine traversa la route presque en courant, la proximité d’un tel luxe lui ayant donné des ailes.

Dès qu’elle avait ouvert la porte, cependant, elle avait senti qu’il y avait de la tension dans l’air chez Annie. Elle avait fait irruption dans le salon, avide de lui raconter sa journée, l’invitation de Bobby et de la remercier d’avance pour le bain, mais en les apercevant tous les deux se tournant le dos, chacun à un bout de la pièce, les mots lui étaient restés en travers de la gorge.

— Je... bonjour, avait-elle dit en s’immobilisant sur le seuil.

Un silence inhabituel régnait dans la maison.

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