Sortir du chaos by Gilles Kepel

Sortir du chaos by Gilles Kepel

Auteur:Gilles Kepel [Kepel, Gilles]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Sciences humaines
Éditeur: Gallimard
Publié: 2018-01-15T00:00:00+00:00


Ainsi, le lundi 14 mars, quelques milliers de soldats saoudiens équipés de blindés, épaulés par des policiers émiratis et des troupes qataries appartenant à la force « Bouclier de la Péninsule » du CCEAG traversent les 25 km du « pont du roi Fahd » qui relie le littoral à Bahreïn. Les dirigeants des partis d’opposition sont arrêtés, la place de la Perle évacuée dès le 16 mars et le monument en son centre rasé le surlendemain afin de supprimer l’abcès de fixation du soulèvement. Les lieux, interdits d’accès par des barbelés, seront transformés en carrefour autoroutier Al-Farouq (« l’Équitable ») – surnom du deuxième calife, Omar (634-644). Adulé par les sunnites pour l’importance de ses conquêtes, il est jusqu’à nos jours maudit par les chiites, car il a écarté l’Imam Ali, et spécialement haï par les Perses dont il a ravagé le territoire (il fut tué par un esclave persan). Le « printemps bahreïni » a été avorté – avec l’éradication de son happening emblématique sept jours avant l’éclosion de la saison éponyme. Mais la contestation du pouvoir se poursuit de manière récurrente dans les villages chiites marginalisés, ainsi que j’ai pu le constater en étant pris dans la répression d’une manifestation par les contingents (sunnites) baloutches et yéménites de la police antiémeute en octobre 2012. L’expression des oppositions y demeure toutefois strictement circonscrite tandis que le reste de l’île présente les signes ostensibles d’un retour à la normalité, marqué notamment par la réouverture dès 2012 du Grand Prix de Formule 1 automobile – que les événements de 2011 avaient contraint à suspendre.

Par-delà son inscription dans l’histoire contemporaine de Bahreïn, le coup de force du CCEAG le 14 mars qui étouffe dans l’œuf une révolte décriée comme chiite et philo-iranienne revêt une signification décisive pour le devenir des trois « printemps arabes » les plus orientaux. Elle en indique de manière prémonitoire les données essentielles, les différenciant ainsi des soulèvements du littoral africain, en Tunisie, Égypte et Libye. Lors de ces derniers, qui adviennent dans des États dotés d’une large homogénéité sunnite, la dynamique nationale a prévalu, permettant la chute du despote. Ce n’est qu’ensuite que la rivalité entre les pétromonarchies – Qatar et Émirats principalement – est intervenue pour favoriser ou contrer l’assomption des Frères musulmans. À Bahreïn, en revanche, l’emportent d’emblée sur toute considération intérieure les enjeux régionaux dans un contexte d’affrontement confessionnel doublé de la confrontation entre Arabes et Iraniens. Les blindés du CCEAG font irruption dans une conjoncture économique tendue par les aléas de la production d’hydrocarbures du Golfe et de leur exportation sur le marché mondial – tandis que leur prix est structurellement orienté à la baisse, et que le conflit pour ces ressources se fait d’autant plus âpre. À partir des prémices bahreïnies, le drame se donnera sur deux scènes. Il advient d’une part au sud de la péninsule, au Yémen, où l’insurrection revêt les premiers temps un caractère tribal et culturel, avant d’être prise en otage par les camps irano-chiite et arabo-sunnite.



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