SOIRÉE SUSHI by Agnès Abécassis

SOIRÉE SUSHI by Agnès Abécassis

Auteur:Agnès Abécassis
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Calmann-Lévy


8

Marcelino

Là où il y a du poil, il y a de la joie.

Proverbe français

Le jour où Marcelino a rencontré Hortense.

Partie, elle était partie.

Elle avait quitté l'institut qu'il fréquentait depuis plusieurs mois sans l'en avertir.

Il savait qu'il ne la reverrait plus. Alors bien sûr, il n'a pas eu d'autre choix que de partir aussi, car l'idée de se faire masser par la gérante, Mme Martinez, lui était intolérable.

Mme Martinez était une femme courtoise, gentille, chaleureuse, soignée, permanentée, mais elle avait le sex-appeal d'un yaourt périmé. Rien que l'idée qu'elle promène ses petits doigts boudinés suintants d'huile parfumée sur son échine lui donnait la chair de poule.

Il devait s'en trouver une autre, il en avait besoin.

C'est comme ça qu'il a rencontré Hortense.

Elle était si jolie, si menue, si fragile, si dépourvue d'alliance, qu'il n'a pas résisté au « c'est à quiiiii ? » qu'elle lui a lancé de sa voix de crécelle, en apparaissant dans l'encadrement de la porte de ce nouveau salon de beauté qu'il venait d'investir.

Sa chevelure rousse, à la coupe délicieusement années quatre-vingt, ses mains fines aux ongles recouverts d'un vernis nacré, sa petite blouse rose qui moulait sa taille fine… elle était à croquer, et il sentait justement son ventre gargouiller.

À son appel, Marcelino se leva, déployant sa taille moyenne en lissant avec assurance ses cheveux bruns clairsemés, sûr du petit effet qu'aurait sur elle son regard de tombeur.

En l'apercevant, Hortense se pencha vers sa collègue en train d'encaisser une cliente, et lui murmura quelques mots à l'oreille sans le quitter du regard. L'autre lui répondit, puis elles tentèrent d'étouffer de petits gloussements.

« Bravo l'artiste, se dit-il, elle t'a remarqué, tu lui plais. »

Instinctivement, Marcelino se mit à marcher de façon légèrement chaloupée jusqu'à la pièce qui lui était réservée. Son charme agissait, il le savait. Il n'était même plus étonné.

En réalité, à voix basse, les deux jeunes femmes se sont dit :

– Je te parie un billet que celui-là va me demander une finition…

– Tu veux que j'appelle…

– Que tu appelles la police ? Non, t'inquiète, je suis capable de le fiche dehors, s'il se tient mal.

– Non, pas la police, ta sœur.

– Ooh, vipère ! Huhuhu !

Hortense l'a suivi, et lui a indiqué où poser ses affaires, avant de placer une large feuille de papier sur le fauteuil de soins. Ensuite elle est sortie, le temps qu'il se déshabille. Lorsqu'elle est revenue, elle l'a trouvé allongé, bras le long du corps, en caleçon vichy, prêt à s'offrir à ses mains douces et expertes. Ses mains qui ont alors ouvert une petite boîte sortie de son tablier, en ont extirpé des bouchons d'oreille, et les ont enfoncés jusqu'aux tympans.

– … lui a-t-il demandé, tandis qu'elle touillait la cire chaude de sa spatule en bois.

– Comment ? a-t-elle répondu trop fort, en retirant un des deux bouchons.

– Qu'est-ce que vous faites ? a-t-il répété.

– Eh bien je suis en train de remuer la cire, voyez-vous, permettant ainsi à la matière de…

– Non, je veux dire, pourquoi vous bouchez-vous les oreilles ?

– Ah ! s'écria Hortense, en retirant le second bouchon.



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