Sirènes by Laura Pugno

Sirènes by Laura Pugno

Auteur:Laura Pugno [Pugno, Laura]
La langue: fra
Format: epub
Tags: SF
ISBN: 9782360840571
Éditeur: Inculte
Publié: 2020-06-15T00:00:00+00:00


Chapitre XII

Samuel sentit la sueur couler sous sa combinaison. Il n’avait pas beaucoup de temps pour retrouver Mia. La durée d’efficacité d’une application de céruse protectrice était d’environ une demi-heure, ce qui correspondait plus ou moins au temps nécessaire pour aller d’un point à un autre. Au bout de trente minutes, comme le déclaraient les caractères inscrits en tout petit sur le flacon, « la marque ne garantit plus la sécurité de l’utilisateur ».

Couvrez-vous de céruse ou bien le cancer noir vous dévorera. Comme une cruelle plaisanterie, le véritable nom du produit était SST, safe self tan. Un autobronzant dernière génération, nuance miel ou chocolat, en tube, pour préserver votre peau. Ses insolites effets secondaires – la protection intégrale du derme des dégénérescences cancéreuses, bien que pour une durée très brève – avaient été découverts lors de la propagation de l’épidémie.

Naturellement, la céruse ne se trouvait qu’au marché noir. Mais les employés de la yakuza jouissaient de certains privilèges.

Le lendemain, le dermatologue viendrait sur le site. Tous les quinze jours, la yakuza envoyait l’un de ses médecins de confiance dans la réserve marine.

Samuel sortit de sa poche son flacon quasiment vide de SST et s’en étala un peu sur le visage et sur le cou. La combinaison, en théorie, lui protégerait le reste du corps. Il aurait bien eu besoin d’un masque jetable, mais ceux-ci étaient devenus introuvables.

Il imita le cri de la sirène.

Nulle trace de Mia.

Il était déjà arrivé, par le passé, qu’un ou deux spécimens réussissent à s’échapper du site, même s’il était rare que les sirènes d’élevage tentent de prendre la fuite. Selon Ken’nosuke, c’était parce qu’elles n’avaient aucune idée de ce qu’il y avait dehors. Selon Samuel, le conditionnement hormonal réduisait leur cerveau en bouillie.

Avant d’être attachées à un tube d’alimentation et gavées de nourriture grasse, d’algues et de restes de poisson, les sirènes tout juste nées semblaient ressentir quelque chose. L’appel de l’océan, peut-être. Un instinct. Après le conditionnement hormonal, engraissées comme des oies – « d’ailleurs, tu n’as jamais goûté du foie gras de sirène ? c’est délicieux ! » conversation typique d’une soirée cocktail –, elles n’étaient plus que de la viande de boucherie.

Les sirènes d’élevage n’essayaient pas de fuir. Mais il arrivait tout de même, de temps en temps, que l’une d’elles finisse dans l’océan, à cause d’une erreur de fonctionnement des cloisons des bassins ou de la grille de filtrage, au moment de la vidange quotidienne. Ou bien parce qu’un grand yakuza voulait éprouver l’émotion de la chasse.

Soudain, quelque chose remua sous l’eau, dans les profondeurs.

Une raie manta. Un spécimen gigantesque, tel un drap de chair dans l’obscurité, couleur noire, couleur du néant. Il était rare d’en voir.

Un beau spectacle, mais ce n’était pas Mia.

Samuel ferma les yeux, puis les rouvrit. La raie manta avait disparu.

Où t’es-tu donc fourrée, petite demi-humaine ? pensa-t-il. Laisse-moi te retrouver avant que le soleil ne m’assassine.

Il fut pris d’une envie de plonger dans l’eau, mais l’océan aurait dissous la crème solaire en quelques instants, l’eau aurait, comme une loupe, concentré les rayons du soleil sur sa peau.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.