Si ce monde vous déplaît... by Dick Philip K

Si ce monde vous déplaît... by Dick Philip K

Auteur:Dick, Philip K. [Dick, Philip K.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Philosophie
Éditeur: L'éclat
Publié: 2002-08-31T16:00:00+00:00


Ceux qui m’ignorent ont bien piètre jugement ;

Lorsqu’ils volent en moi, c’est moi qui suis les ailes.

Je suis celui qui doute et le doute lui-même,

Et moi qui suis l’hymne que chante le brahman(38).

Ce que je veux dire c’est que pendant ce bref laps de temps – quelques heures, une journée tout au plus – toute ma conscience était tournée vers le Programmateur. Tout ce qui se trouve dans notre monde multiforme n’était plus que des fragments ou des parties de lui. Certains restaient immobiles mais beaucoup se déplaçaient, le faisant à la manière d’un organisme qui respire – inhalant, exhalant, croissant, changeant, évoluant vers un état final que, grâce à sa sagesse absolue, il s’était choisi pour lui-même. J’eus ainsi l’expérience d’une auto-création, d’une chose qui ne dépendait de rien en dehors d’elle-même, tout bonnement parce que rien n’existe en dehors d’elle.

En découvrant cela, j’ai eu le sentiment qu’au cours de mes années de vie j’avais été littéralement aveugle ; je me souviens d’avoir répété des dizaines de fois à ma femme : « J’ai recouvré la vue ! Je peux enfin voir de nouveau ! » Il me sembla que jusque-là je n’avais fait que deviner la nature de la réalité qui nous entoure. Je compris aussi que je n’avais pas acquis une nouvelle faculté de perception, mais, au contraire, retrouvé une faculté ancienne. Pendant près d’une journée, j’ai vu comme nous pouvions tous voir jadis, il y a plusieurs milliers d’années. Mais comment en sommes-nous arrivés à perdre le sens de la vue, à perdre cet œil supérieur ? Morphologiquement parlant, il doit toujours être présent en nous, et pas seulement à l’état latent, sans quoi je n’aurais pu y recourir, ne serait-ce que brièvement. Ça continue de me surprendre. Pourquoi, pendant près de quarante-six ans ne suis-je jamais parvenu à voir vraiment, ne pouvant que deviner la nature du monde, et puis, brusquement, ai-je pu voir, et puis, aussitôt après, ai-je perdu de nouveau cette faculté pour redevenir à moitié aveugle ? L’intervalle au cours duquel j’ai pu voir représente clairement le laps de temps pendant lequel le Programmateur me retravaillait. Il avait comparu tangiblement sous sa forme vivante, se révélant hors plan devant moi : il s’était dévoilé. C’est pourquoi on dit du Christianisme, du Judaïsme et de l’Islam qu’elles sont des religions révélées. Notre Dieu est le deus absconditus : le dieu caché. Mais pourquoi ? Pourquoi est-il si nécessaire que nous nous trompions sur la nature de la réalité ? Pourquoi s’est-il dissimulé sous une pluralité d’objets distincts, pourquoi ses mouvements se sont-ils dissimulés sous la pluralité des processus aléatoires ? Tous les changements, toutes les permutations de la réalité auxquels nous assistons sont l’expression de la croissance et du déploiement de l’intentionnalité d’une seule entéléchie ; c’est une plante, une fleur, une rose qui s’ouvre. C’est un essaim d’abeilles bourdonnantes. C’est la musique – une sorte de chant. De toute évidence, si j’ai vu le Programmateur tel qu’il est vraiment, tel qu’il se comporte vraiment, c’est seulement parce qu’il s’était emparé de moi pour me reformer.



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