Séraphin 1 by Grignon Claude-Henri

Séraphin 1 by Grignon Claude-Henri

Auteur:Grignon, Claude-Henri [Grignon, Claude-Henri]
La langue: fra
Format: epub
Tags: DET
Éditeur: Qc Amerique
Publié: 2013-11-18T05:00:00+00:00


LA DERNIÈRE NUIT DE L’ANNÉE

Alexis eût souhaité giguer, chanter, fêter pendant des jours et des nuits. C’était de grande tradition dans sa famille. L’ancien draveur, devenu petit habitant, riche de cœur s’il ne l’était pas de fortune, attachait beaucoup d’importance aux us et coutumes de son pays.

— C’est par le passé qu’on vit le présent, avait-il accoutumé de dire.

Séraphin ne l’entendait pas de cette oreille et jamais un sentiment noble n’avait effleuré la pierre qui lui sert de cœur. Il jugea que deux jours chez Alexis à fêter c’était déjà de l’extravagance. C’est vrai qu’il mangeait comme un porc dans son auge quitte à mourir d’indigestion, mais il n’en négligeait pas moins ses affaires. Il avait du bois de chauffage à vendre, ses pratiques à servir au village : monsieur le docteur, mademoiselle Angélique, le notaire, le curé et combien d’autres.

— Reste donc encore une couple de jours, lui dit Alexis en le tapant sur l’épaule.

— J’sus pas capable, j’ai de l’ouvrage qui attend chez nous. C’est pas de valeur, toi, tu peux t’amuser, t’es riche.

— Bouleau noir !

C’est tout ce qu’Alexis trouva à répondre à ce mensonge cynique. Aussi, le lendemain de Noël, l’avare et sa femme reprenaient le chemin de la maison, c’est-à-dire qu’on se remettait au travail avec ardeur. Donalda, par soumission et Séraphin par amour de l’argent.

Puis, il faut bien le dire, l’avare n’aimait pas beaucoup à se promener avec son trésor sur lui. Il valait mieux le déposer dans un sac d’avoine à la noirceur, loin des regards indiscrets, ce qu’il s’empressa de faire sans que Donalda n’en eût connaissance.

— Ça l’a pas d’allure : manger comme des défoncés comme ça, dit Séraphin en allumant le poêle.

— Rien te forçait, mon mari.

— Si la grosse Arthémise en crève pas, a pourra se compter chanceuse. A mange presquement autant que man’zelle Angélique. J’avais peur pour elle.

— J’pense, Séraphin, que t’as pas donné ta place. Tu t’es bourré à ton goût.

— I fallait ben. Alexis était après moi comme une teigne : « Mange, Séraphin. J’aime ça te voir manger ». Ça fait que moi pour pas i faire d’affront j’mangeais. J’ai faite comme les autres.

— Si t’en meurs, tu t’en prendras pas à Alexis. T’as l’âge de raison, répondit Donalda en mettant un peu d’ordre dans la cuisine.

La vie recommençait, la même existence de privations, de monotonie et de lésine. L’avarice semblait suinter de toutes parts dans cette maison de malheur.

Donalda s’en consolait à la pensée qu’elle avait vécu au moins deux jours de bonheur. Pour elle, c’était beaucoup. Intérieurement, elle en remercia Dieu.

— Tu pourras pas dire, mon mari, qu’on a pas été ben reçus ? osa-t-elle demander à Séraphin.

— Où ça ? répondit-il.

— Sus Alexis. I s’est montré ben bon.

— Pas trop pire. Alexis aime ça : recevoir.

— C’est toute ce que tu trouves à répondre pour le remercier ?

— Ben quoi, c’est vrai. Alexis, c’est plus fort que lui, i faut qui donne à drette pis à gauche. I a bon cœur. I est faite de même.



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