Septembre absolu by Camus

Septembre absolu by Camus

Auteur:Camus
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fayard
Publié: 2012-08-14T16:00:00+00:00


Valence, hôtel Novotel, ch. 418, jeudi 28 juillet, minuit et demi. Trois quarts d’heure dans Valence et surtout deux longueurs sur le boulevard du Général-Leclerc m’ont douloureusement sonné. Mon Dieu, mais peuvent-ils ne pas voir ce qui survient ? Déjà Grenoble était terriblement alarmant, pour un homme qui a passé des mois dans sa campagne ; mais Valence, Valence… Depuis la dernière fois que je l’ai regardée dans les yeux, la France a changé de visage (et qui plus est elle s’est voilée…).

À Grenoble, avant de quitter la ville, nous avions passé cinq ou six heures au musée, agréable bâtiment moderne prodigue en belles lumières et en belles échappées, et dont deux des architectes, sur trois, portent le nom facile à retenir de Félix-Faure (dans Valence nous sommes tombés sur la maison Dupré-Latour, comme l’auteur de L’Instinct de conservation, que recevait récemment Finkielkraut).

Les collections m’ont d’abord un peu déçu. Était-ce la fatigue, l’affliction quant au sort de la patrie (et encore, je n’avais pas vu Valence…), je ne ressentais pas cette exaltation délicieuse qui me prend dans les bons musées de province, et tout récemment à Lyon, par exemple. Des œuvres des xviie et xviiie, et de la première moitié du xixe siècle, même, ne m’a guère tapé dans l’œil qu’un délicieux Watteau, et encore est-il pour moitié de Francisque Millet (ce qui à mes yeux ne le diminue en rien, faut-il l’écrire ?). Même le Dughet est assez plat, je trouve (ou bien est-ce moi ?).

Tout change avec le couple Agutte-Sembat, d’abord – le peintre Georgette Agutte et son mari Marcel Sembat –, puis avec Andry-Farcy, le grand conservateur qu’admirait tant Jean Puyaubert (c’est d’ailleurs à travers Andry-Farcy que la collection Agutte-Sembat est arrivée à Grenoble). À partir de leur époque on entre tout à fait dans le grand genre, mais non point tel qu’il ne sache ménager, aussi, les précieuses surprises de peintres inconnus (ainsi Pierre Girieud, dont on voit, à côté d’un Van Dongen assez vulgaire – d’aucuns diraient que c’est un pléonasme –, un merveilleux petit paysage d’Italie).



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