Sans-atout contre l’homme à la dague by Boileau-Narcejac

Sans-atout contre l’homme à la dague by Boileau-Narcejac

Auteur:Boileau-Narcejac [Boileau-Narcejac]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse
Publié: 2015-06-30T12:38:31+00:00


« Comment as-tu pu t’évader du salon alors que portes et fenêtres étaient fermées ? »

« Et toi, comment as-tu pu reprendre le million à l’insu de tous ? »

La malice, qui pétillait dans les yeux de l’Homme à la dague, brillait aussi dans le regard de Sans-Atout. « Nous sommes deux acrobates », pensa le garçon, en rouvrant les volets. Il rangea son matériel, changea de costume, se peigna soigneusement, pour éviter tout reproche.

La D.S. était arrêtée devant l’hôtel.

— Eh bien, dit maître Robion, toujours en retard !

— Oh ! fit madame Robion, quelle cravate as-tu mise ? Regarde, mon pauvre enfant, comme tu es fagoté !

— Bah ! s’écria gaiement Sans-Atout. On est en vacances !

Il s’assit au fond de la voiture et, pour la première fois, s’intéressa au paysage. Des pentes, des escarpements, de longues échappées sur le plat pays, entre des bouquets d’arbres, et, bleu, dans le lointain, comme, un mont Saint-Michel plus sauvage, le puy de Dôme.

« Pas mal, appréciait-il. Un peu trop boisé à mon goût. Trop de chemins creux. Cela sent l’embuscade. » Il était facile d’imaginer la diligence arrêtée, des pistolets braqués aux portières, et le chef, sur un cheval nerveux, ordonnant aux voyageurs de descendre. L’Homme à la dague avait peut-être été, en son temps, un Mandrin ou un Cartouche.

— Voilà la Chênaie, dit maître Robion.

Madame Robion se pencha.

— Je m’attendais à voir un vrai château, dit-elle, avec des tours, des créneaux. Quand François en parle, on se représente une forteresse.

— François exagère toujours. C’est plutôt une maison seigneuriale, mais elle a grand air. Le docteur Dodin prétend que… tiens, justement, je reconnais sa voiture, là-bas. Royère serait-il malade ?… Qu’est-ce que c’est que cet attroupement, à la grille ? Cécile, Léonard, Benoît… et Dodin lui-même.

Le docteur reconnut la voiture de l’avocat et fit de grands gestes.

— Qu’est-ce qu’il y a encore de cassé ? murmura maître Robion, en virant dans l’allée qui menait à la Chênaie.

Le docteur accourait et, avant même que la D.S. fût arrêtée, cria :

— Royère a disparu !

Sans-Atout se sentit pâlir. Mais déjà l’avocat descendait, et le docteur le prenait par le bras, l’entraînait vers les domestiques, qui semblaient accablés.

— Il est parti ce matin, vers neuf heures, expliquait le médecin. Il a pris son tilbury, comme d’habitude.

— Je l’avais pourtant prévenu, dit maître Robion.

— Il n’est pas rentré pour déjeuner. C’est Benoît qui m’a téléphoné tout à l’heure. À mon avis, il faudrait maintenant prévenir la gendarmerie. Un pareil retard n’est pas normal. Il lui est sûrement arrivé quelque chose.

Madame Robion descendit à son tour de la D.S. et s’avança vers le groupe. Sans-Atout, atterré, n’osait pas se montrer mais tendait l’oreille pour tâcher d’en apprendre un peu plus long.

— Sa santé ne vous donnait pas d’inquiétude ? demanda maître Robion.

— Non, pas du tout, répondit le docteur. Il était quelquefois préoccupé, un peu sombre, même, mais, tous ces temps, je le trouvais plutôt mieux. Il avait fait venir de Clermont-Ferrand un spécialiste et il



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