Rosalie Lamorlière: Dernière servante de Marie-Antoinette by Ludovic Miserole

Auteur:Ludovic Miserole
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782390460473
Éditeur: IFS
Publié: 2022-09-28T00:00:00+00:00

21

Claire Latour et Marie Lacroix, que chaque pas rapproche un peu de l’hospice des Incurables, tentent péniblement de se frayer un chemin à travers l’animation des rues parisiennes. Le vent a cessé et le beau temps apparent a fait sortir, de leur abri, moineaux et badauds. Aux uns, la quête de miettes à se mettre dans le bec ; aux autres, la recherche de nouveaux arguments contre le Régime à exposer aux voisins encore frileux de rallier les rangs grossissants du peuple en colère et prêt à en découdre avec le Roi bourgeois. Dix-huit années de monarchie de Juillet ont fait gonfler inévitablement la tempête qui se profile à l’horizon. Claire semble nerveuse, mais la conversation avec cette épouse bafouée ne semble pas en être la cause. Elle scrute les environs à la recherche d’un visage familier. Il est plus de onze heures et le lieu de rendez-vous est tout proche. Il faut se débarrasser de madame Lacroix.

Soudain, à la vue de deux gardes municipaux patrouillant devant elles, Claire prend peur. Elle sait qu’elle n’aurait jamais dû accepter de suivre cette femme. Mon Dieu ! Quelle idée d’arpenter les rues de Paris avec l’épouse de son amant pour se rendre dans un hospice rempli de vieilles dames malades dont le seul réconfort est de remercier chaque matin le ciel de leur avoir accordé un sursis. La situation aurait pu prêter à sourire s’il n’y avait ces deux uniformes se dirigeant vers elles. Claire sent brusquement une main lui agripper le bras et la tirer vers l’arrière tandis qu’une autre se pose sur sa bouche. Se sentant perdre à la fois assurance et équilibre, elle tente de se rattraper à madame Lacroix, mais ne fait que l’attirer, bien malgré elle, dans une porte cochère de la rue de la Ferronnerie.

— Chut, ma belle ! C’est moi, Valérien.

Madame Lacroix, voyant cet homme aux prises avec la jeune Claire, tente à grand-peine de rejoindre la rue pour trouver de l’aide, mais une main féminine l’empêche d’émettre le moindre son et la ramène dans ce qui semble conduire vers une cour intérieure. Marie sent alors un parfum aux fragrances d’iris, de roses et de violettes, un mélange subtil dont elle a délicatement placé, ce matin, une goutte derrière chaque oreille avant de rejoindre la bijouterie. La femme qui l’empêche de crier porte le même parfum… il s’agit de Claire. Marie fait volte-face et aperçoit, se tenant l’un près de l’autre, le chat prédateur et l’oisillon qu’elle croyait sans défense.

— Je… je ne comprends pas.

— Madame Lacroix, veuillez m’excuser. Je vous présente Valérien.

Malgré sa stupeur, Marie décide de ne rien laisser paraître et prend la parole :

— Voilà une façon des plus cavalières pour faire connaissance, avouez-le. Valérien… soit, mais que veut dire ceci ? Non contente de voler mon mari, vous batifolez avec cette force de la nature. Et combien donc de nids possède le charmant coucou que vous êtes ?

L’homme ne peut s’empêcher d’intervenir.

— Il suffit, madame. De telles allégations n’ont pas lieu d’être.

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